Le 30 novembre 2022, l'Agence américaine du médicament (FDA) accordait la première autorisation de mise sur le marché (AMM) à un médicament à base de greffon fécal : Rebyota, produit par le laboratoire suisse Ferring Pharmaceuticals, dans le traitement des infections récidivantes à Clostridioides difficile.
Rebyota se présente sous la forme d'une dose unique de 150 ml de suspension de microbiote issu de donneurs sélectionnés et testés pour un certain nombre de pathogènes transmissibles. Chaque unité de Rebyota provient de selles d’un seul donneur humain. Il est administré par voie rectale chez les patients adultes ayant une infection récidivante après antibiothérapie. Cette indication est la seule à avoir apporté la preuve de son efficacité (cf. page 10).
L'idée d'administrer un greffon fécal via un médicament n'est pas nouvelle. Dès les premières démonstrations de son efficacité contre l'infection à C. difficile, « il y a eu assez rapidement des tentatives d'industrialisation et de standardisation de la greffe fécale par des laboratoires comme Ferring ou Seres Therapeutics », se souvient le Pr Harry Sokol de l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP).
Un taux de succès inférieur à la greffe classique
L'AMM de Rebyota s'appuie principalement sur une étude menée sur 177 patients traités 24 à 72 heures après un traitement antibiotique, comparés à 85 patients prenant un placebo. Dans une autre étude, 39 patients ont reçu une dose de médicament et 43 ont reçu un placebo. Globalement, selon la FDA, 70,6 % des patients traités n'ont pas fait de rechute au cours des huit semaines qui ont suivi contre 57,5 % des patients des groupes placebo. Soit à peine plus de 10 % de différence entre les deux groupes. De tels résultats ne sont pas de nature à impressionner les différents responsables de centres référents de transplantation fécale contactés par « Le Quotidien », à commencer par le Dr Benjamin Davido du service de maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Raymond-Poincaré (AP-HP). « Avec une greffe fécale standard, on est à 90 % d'efficacité », fait-il remarquer.
Le Pr Sokol, coordonnateur du groupe français de transplantation fécale (GFTF), note aussi une différence de sévérité entre les patients recrutés dans l'étude et ceux qu'il voit défiler en consultation. « Dans les études sur la greffe fécale, nous traitons des patients multirécidivistes, ayant eu trois épisodes ou plus d'infection au cours des six précédents mois », contre souvent seulement une seule dans les études avec Rebyota, rappelle le gastroentérologue.
Cette différence pourrait expliquer le fort taux de guérison dans le groupe contrôle, mais soulève au passage une autre question : « pourquoi seulement 70 % de succès dans le groupe traité ? », s'interroge le Pr Sokol.
L'avenir est aux probiotiques de nouvelle génération
Si la greffe fécale « industrialisée » ne conquiert pas les spécialistes, les probiotiques de nouvelle génération, des bactéries extraites du microbiote humain, semblent en revanche plus prometteurs pour prendre le relais de la greffe fécale traditionnelle trop artisanale et limitée pour répondre aux besoins de pathologies chroniques comme les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (Mici) ou les dysbioses impliquées dans le diabète et le syndrome métabolique.
Dans ce domaine, les pionnières se nomment Akkermansia muciniphila et Faecalibacterium prausnitzii. « Ces bactéries sont très difficiles à cultiver en dehors de l'intestin, explique le Pr Sokol. Il y a aussi un aspect réglementaire à prendre en compte avec ces bactéries qui, contrairement aux probiotiques d'ancienne génération, n'ont jamais été utilisées dans l'alimentation. » Pour l'heure, aucun probiotique ne dispose d'une AMM. Toutes les bactéries qui ont été commercialisées jusqu'à présent l'ont été sous la forme de compléments alimentaires, comme l'Akkermansia muciniphila. Mais des entreprises veulent aller plus loin, comme le laboratoire Exeliom qui travaille sur l'utilisation de Faecalibacterium prausnitzii dans la maladie de Crohn.
La révolution de la méthode de recherche
Parmi les centaines de candidats, comment lier une bactérie à une pathologie ? La première méthode consiste à comparer des microbiotes de malades à ceux de personnes saines et à repérer les bactéries qui manquent ou sont au contraire trop présentes. Une technique qui a ses limites, comme l'explique Benoît Chassaing, responsable de l'équipe Interactions microbiote/mucus dans les maladies inflammatoires chroniques à l'institut Cochin (Inserm) : « ce genre de comparaison se base sur le postulat qu'il existe des microbiotes sains. Selon moi, un microbiote sain, cela n'existe pas et n'existera sans doute jamais. Un microbiote peut être bénéfique pour un individu donné à un moment donné et pathologique pour un autre patient, voire pour le même patient quelques années plus tard, ou s'il change d'alimentation. »
Une approche plus récente consiste à procéder à un « screening sans a priori », c’est-à-dire à rechercher une fonction particulière, en testant par exemple une par une toutes les bactéries à la recherche d'un effet anti-inflammatoire. « Il faut s'affranchir des corrélations, résume Benoît Chassaing. Cela peut se faire à l'aide de microbiote in vitro, ou de systèmes d'organoïdes. »
Avec son équipe, Benoît Chassaing travaille sur Akkermansia muciniphila et sa capacité à rétablir la présence de mucus intestinal chargé de séparer l'épithélium et la flore intestinale. Dans un article récent (1), ils ont démontré chez la souris que ce probiotique annule les effets détersifs de certains agents émulsifiants employés dans l'industrie agroalimentaire.
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