La demande actuelle de contraception masculine ne concerne qu’un faible nombre de couples. Une trentaine seulement franchit les portes de la consultation du Dr Jean-Claude Soufir à l’hôpital Cochin (Planning Familial) chaque année. « La première consultation est importante car il s’agit d’une consultation d’information réciproque », souligne le Dr Soufir. Elle renseigne sur les motivations du couple qui, dans 95 % des cas, sont liées à un refus de la contraception féminine pour raisons médicales ou psychologiques. Elle permet aussi un rappel du fonctionnement de l’appareil génital masculin, une phase essentielle avant d’introduire les 4 méthodes de contraception aujourd’hui disponibles à savoir le préservatif, la vasectomie, la contraception hormonale et la contraception thermique.
Progestatif et testostérone
Pour le Dr Soufir, le préservatif est à encourager chez les couples ayant des rapports sexuels espacés en raison de contraintes de vie professionnelles, par exemple. À cela s’ajoute le fait qu’il est, depuis peu et pour certains d’entre eux, remboursé par l’Assurance-maladie. La vasectomie ne s’adresse plus uniquement aux hommes âgés ayant des enfants mais à une population plus jeune et à la vie sexuelle plus instable. Son irréversibilité est contestée par le Dr Soufir qui précise que, « pratiquée selon les techniques modernes, elle est réparable et qu’il est également possible de conserver du sperme avant l’intervention ».
Les résultats des traitements associant progestatif et testostérone ou avec androgènes seuls (contraception hormonale), rapportés dans différentes publications ou congrès internationaux, ont prouvé qu’il était possible de façon raisonnée de proposer des méthodes de contraception hormonale inhibant la spermatogenèse sans perte de libido et avec une bonne efficacité contraceptive.
À la suite d’une demande de « pilule » pour homme dans les années 1980, le Dr Soufir a mis au point un traitement associant un progestatif et la testostérone sous forme de pilule-gel qui s’est avéré efficace et permettait le maintien de la testostérone sanguine à des taux physiologiques. Depuis, le principe de ce traitement a été développé sous forme d’un gel associant progestatif et testostérone aux États-Unis (Pr Swerdloff, Institut de recherche biomédicale, Los Angeles) et expérimenté à une plus large échelle dans une perspective de commercialisation. Entre 1986 et 1994, l’OMS a promu deux essais multicentriques mondiaux auxquels le Dr Soufir a été associé. Ils ont prouvé l’efficacité de la contraception hormonale masculine. Le traitement consistait en une injection hebdomadaire en IM d’enanthate de testostérone (Androtardyl) que les hommes pouvaient s’auto-injecter. C’est ce traitement que propose actuellement le Dr Soufir qui souhaite vivement une extension d’AMM de cette molécule recommandée dans les hypogonadismes.
La contraception thermique, développée essentiellement par le Dr Roger Mieusset à Toulouse, consiste à élever la température des testicules d’environ 2°C. Cette élévation de température est obtenue en déplaçant les testicules du scrotum dans la poche inguinale superficielle. Elle utilise un slip permettant d’augmenter la température des testicules et, ce faisant, de suspendre la production de spermatozoïdes.
Un guide pratique élaboré par le Dr Soufir et le Dr Mieusset (publié dans la revue Andrologie en 2012 : 22 : 211,215 et mis en ligne) devrait permettre à tout médecin confronté à une demande de contraception masculine hormonale ou thermique de répondre aux questions qui peuvent être posées, d’avoir les outils nécessaires à une mise en œuvre de ces méthodes et d’en assurer le suivi. Celui-ci devrait faire l’objet d’un recueil d’information centralisé par une Unité de santé publique. Par ailleurs, une formation post-universitaire en contraception masculine est organisée chaque année par la Société d’andrologie de langue française (SALF).
Des freins à la fois économiques et culturels
À un certain désintérêt de l’industrie pharmaceutique à l’égard de la contraception masculine, s’ajoute un faible enthousiasme des professionnels de santé et des pouvoirs publics. D’où le manque de moyens alloués aux études sur la fécondité masculine et l’absence d’information du grand public. « Le sujet semble peu abordé dans cette société qui prône l’égalité de l’homme et de la femme et proposer une contraception masculine n’apparaît pas comme une évidence. Il y a heureusement une petite implication sociétale qui vient des femmes elles-mêmes et de l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (ARDECOM) », a conclu le Dr Soufir.
Consultation d’information sur les possibilités de contraception masculine à Paris - Dr Jean-Claude Soufir - Planification familiale hôpital Cochin 123 Bd de Port Royal 75014 – (RV : 01 58 41 38 65). Contact : jean-claude.soufir-ext@aphp.fr
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