Coinfection Covid/VIH : des données contrastées

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Publié le 30/04/2021
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D’une nette surmortalité à simple retard à l’amélioration et à la sortie : l’effet pronostique d’une infection VIH sur l’évolution du Covid est difficile à peser. Quoi qu’il en soit, les deux virus ne font pas très bon ménage.
Globalement, la mortalité et le taux de sujets ventilés ne diffèrent pas selon le statut VIH

Globalement, la mortalité et le taux de sujets ventilés ne diffèrent pas selon le statut VIH
Crédit photo : phanie

Les analyses de l’importance du statut VIH+ sur le pronostic de l’infection à Covid-19 sont variées. Leurs conclusions vont d’une nette surmortalité à un effet limité, comme le suggère une récente étude britannique présentée à la Croi (1). Des résultats mitigés donc, probablement liés aux cofacteurs générateurs de biais, notamment le contrôle du VIH.

Étude rétrospective de cohorte multicentrique

Le travail britannique présenté à la Croi est une étude d’appariement rétrospective multicentrique. Tous les cas index VIH+/Covid-19 (PCR+) hospitalisés entre le 1er février et le 31 mai 2020 au sein de six hôpitaux anglais ont été recensés. Soit 68 cas. Ils ont été appariés, dans un ratio 1/3, avec 181 sujets de même sexe, même âge ± 5 ans et même date de test ± 7 jours, hospitalisés dans le même centre pour Covid-19 (PCR+), mais VIH-. Le critère primaire retenu est l’amélioration d’au moins deux points du score clinique (score OMS : 0-7) et/ou la sortie de l’hôpital avant J28. Le suivi porte sur 28 jours après l’hospitalisation pour Covid-19.

Globalement ces sujets VIH+ sont sous traitement antirétroviral (92 %), la grande majorité ont une charge virale indétectable (97 % < 200 copies/mL). Leur taux médian de CD4 est autour de 350 cellules/µl.

« L’analyse montre que les VIH+ ont moins de chances de s’améliorer cliniquement et/ou de sortir de l’hôpital avant le 28e jour (RR = 0,57 [0,4-0,8] ; p = 0,005), par comparaison aux VIH- appariés. Néanmoins, après ajustements, en particulier sur la fragilité et la présence d’une tumeur, cette différence s’atténue. Et, globalement, leur mortalité 19,1 % vs 19,3 % à J28 et le taux de sujets ventilés 23 % vs 17 % ne diffèrent pas significativement entre VIH+ et VIH- appariés », résument les auteurs (1).

Si l’on se penche plus attentivement sur ces deux populations, on retrouve le même nombre médian de comorbidités (n = 2) et des IMC médians très comparables (27,7 vs. 29,4 kg/m2). En revanche, bien que la différence ne soit pas significative, les VIH+ tendent à avoir un score de fragilité plus élevé (3 vs. 2/7 en médian) et à être plus souvent porteurs d’une tumeur (15 % vs 10 %).

Résultat, après ajustement multivarié − origine ethnique, score de fragilité clinique, IMC, l’hypoxie de base, durée des symptômes, hypertension, diabète, cancer, maladie cardiaque, pulmonaire et rénale − l’effet du statut VIH+ sur l’amélioration clinique ou la sortie avant J28 est largement atténué, il n’est même plus significatif (RR = 0,70 [0,4-1,2] ; NS). « Divers cofacteurs, en particulier la fragilité et l’association d’un cancer pourraient largement participer au moins bon pronostic du Covid-19 chez les sujets VIH+», concluent les auteurs.

Nettes surmortalités dans plusieurs études en population

Antérieurement à cette étude britannique, plusieurs analyses avaient pour leur part mis en évidence une nette surmortalité chez les VIH+ hospitalisés pour Covid-19.

Dans un travail mené au Royaume-Uni par le consortium Isaric-OMS sur plus de 47 000 sujets hospitalisés pour Covid-19, dont 0,26 % VIH+, ce statut était associé à une nette surmortalité à J28 (2). Après ajustements, la mortalité est augmentée de 70 % (p = 0,008). Elle est même quasi triplée chez les VIH+ de plus de 60 ans (p < 0,001).

Toujours au Royaume-Uni, une autre étude – OpenSafely (3) − menée par le NHS sur la base de données de santé nationale sur plus de 17 millions d’adultes (0,16 % VIH+), a mis en évidence un risque de décès quasi triplé (p < 0,0001). Après ajustement sur l’ethnie, le tabagisme, l’obésité et le fait de vivre dans une région défavorisée, ce surrisque, bien qu’atténué, persiste, puisqu’il est plus que doublé (RR = 2,6 ; p < 0,0001).

Enfin, une étude en population menée par le NIH dans l’état de New York (États-Unis) retrouve un pronostic péjoratif. Après ajustement sur l’âge, le taux de CD4, le stade VIH et la suppression virale, le risque de décès intra-hospitalier des VIH+ hospitalisés pour Covid-19 est à nouveau plus que doublé (RR = 2,6).

Exergue : Divers cofacteurs, en particulier la fragilité et l’association d’un cancer pourraient largement participer au moins bon pronostic du Covid-19 chez les sujets VIH+

(1) MJ Lee et al. Ab-142

(2) AM Geretti et al. Clin Infec Dis. 2020; doi.org/10.1093/cid/ciaa1605

(3) K Bhaskaran et al. Lancet 2020. doi.org/10.1016/S2352-3018(20)30305-2

(4) JM Tesoriero et al. medRxiv 2020. doi.org/10.1101/2020.11.04.20226118

Pascale Solère

Source : Le Quotidien du médecin