Le premier but du contrôle de la charge virale du VIH pendant la grossesse est d’éviter la transmission périnatale. Néanmoins, certains antirétroviraux, en particulier les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) sont potentiellement délétères pour le fœtus. Peut-on s’en passer ? C’est ce qu’a évalué l’étude ANRS 168 Monogest dans un essai de phase II. Ses résultats sont prometteurs. Globalement, plus de 90 % des femmes ont conservé, jusqu’à leur accouchement, une charge virale inférieure à 50 copies/ml, sans réintensification. Enfin, à l’issue d’une prophylaxie post-natale systématique à base de névirapine, aucun des nouveau-nés n’était contaminé. Le switch au premier trimestre de grossesse de femmes VIH+ en succès thérapeutique vers une monothérapie de darunavir boosté par ritonavir, couplé à un suivi virologique rapproché, a donc permis d’éviter toute transmission périnatale. « Cette stratégie de traitement sans INTI avec une surveillance accrue de la charge virale doit encore être explorée plus avant. Cette étude pilote suggère néanmoins qu’une monothérapie peut suffire à maintenir la suppression virologique en cours de grossesse chez une très grande majorité de mères, résume le Dr Laurent Mandelbrot (CH Louis Mourier) qui présentait ces résultats à la Croi (1). Sous réserve d’un suivi rapproché, cette stratégie peut protéger l’enfant à la fois des effets secondaires potentiels des INTI mais aussi de toute contamination fœto-maternelle. »
Un essai multicentrique français
L’essai ANRS 168 Monogest est un essai français ouvert multicentrique à un seul bras. Au total, 24 centres ont recruté près de 90 femmes enceintes à moins d’un trimestre de grossesse. Elles devaient être en succès virologique (moins de 50 copies/ml) et présenter un taux de CD4 supérieur ou égal à 250 cellules/µl. Avant la fin du premier trimestre de grossesse, leur traitement anti-rétroviral a été switché vers une monothérapie de darunavir boosté par ritonavir. La réponse virologique était contrôlée mensuellement et le traitement intensifié en cas de rebond (plus de 50 copies/ml). Après la délivrance, tous les nouveau-nés ont bénéficié d’une prophylaxie systématique par névirapine durant 14 jours.
Le critère primaire de cet essai de phase II est le taux de succès virologique − l’absence de nécessité de réintensifier avant l’accouchement.
Sur les 89 femmes enceintes recrutées, 83 sont évaluables (en raison de 4 fausses couches et 2 modifications de traitement liées à une élévation des enzymes hépatiques). Parmi elles, 6 ont nécessité une réintensification du traitement anti-rétroviral, dont 2 en raison d’un échec sous trithérapie, après le screening mais juste avant le switch. À la découverte de l’échec, le nombre de copies médian est de 193/ml ([78-252] copies/ml). Deux autres femmes ont été classées en échec en raison de données virologiques manquantes à l’accouchement. Résultat on est à 75/83 succès. Soit un taux de succès d’au moins 90 %, vu que les deux femmes aux données manquantes étaient en succès virologique aux derniers contrôles (à 1 mois et à 13 jours de l’accouchement). Enfin, aucun enfant n’a été contaminé.
(1) L Mandelbrot et al. Ab. 570 ; Croi 2021
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