Comment la Food and drug administrtion (FDA) américaine et l'Agence européenne du médicament se préparent-elles à évaluer les résultats des essais cliniques in silico ? Dans ce domaine, l'agence américaine a pris une longueur d'avance sur son alter ego européen. Lors d'une présentation sur le sujet, le Dr Tina Morrison, qui dirige un groupe de travail de 200 experts sur la modélisation et la simulation au sein de la FDA, a dressé le bilan d'une décennie de travail. « La FDA s'est emparée des outils de modélisation pour évaluer l'effet sur la population des différentes politiques publiques en faveur de l'arrêt du tabac, pour déterminer les niveaux de risques liés aux adjuvants des vaccins, et pour évaluer l'exposition à long terme au bisphénol A dans l'alimentation, énumère-t-elle. Plus récemment, l'agence a mené des travaux pour simuler la pharmacocinétique des nouveaux opioïdes qui arrivent sur le marché et leurs affinités à différents récepteurs… ».
La famille virtuelle
Pour faciliter son appréciation des données de la recherche clinique in silico, la FDA fournit aussi aux chercheurs qui le souhaitent des outils de simulation « open source », c'est-à-dire utilisables par tous, gratuitement. Elle a ainsi codéveloppé, suite à une proposition de loi du congrès, la « virtual family ». Il s'agit de 4 modèles anatomiques virtuels complets répondant aux noms de Duke (homme, 34 ans), Ella (femme, 26 ans), Billie (fille, 11 ans) et Thélonious (garçon, 6 ans).
Dotés d'un squelette, d'organes internes et d'un système circulatoire et musculaire complet, ils permettent de mesurer avec réalisme les effets thermiques et mécaniques de dispositifs médicaux implantables. « Ils ont déjà été employés avec succès pour démontrer la sécurité de dispositifs médicaux implantables lors d'une IRM », observe le Dr Morisson. L'agence a également mis au point un modèle virtuel dédié à la tête et au cou : le MIDA.
Pour les autres modèles informatiques mis au point par des entreprises tierces, le programme pilote de développement des molécules assisté par la modélisation fournit un cahier des charges et un cadre de travail pour l'implémentation de la modélisation dans les programmes de développement.
L'EMA de plus en plus sollicitée
Du côté de l'EMA « nous observons une tendance croissante du recours au in silico », explique Efthymios Manolis, coordinateur du groupe de travail « simulation et modalisation » de l'agence européenne. « Ces travaux servent principalement à optimiser le design d'essais cliniques, à sélectionner des doses ou même lors d'études post-marketing visant à modifier les posologies. La recherche de nouveaux antibiotiques est aussi très représentée », énumère-t-il.
L'agence propose aux laboratoires des recommandations méthodologiques concernant l'analyse et le reporting des données cliniques et concernant la modélisation de la pharmacocynétique. « Quand les remous du Brexit auront cessé, nous comptons notamment travailler sur d'autres textes encadrant les travaux de modélisation visant à extrapoler chez l'enfant les résultats d'essais cliniques réalisés chez l'adulte », prédit Efthymios Manolis.
Si l'EMA et la FDA partage de nombreux points communs quant à l'évaluation des résultats qui leur sont proposés, il existe une différence fondamentale entre les 2 agences : « les experts de la FDA tentent de reproduire les résultats qui leur sont présentés avec leurs propres outils de modélisation, explique Efthymios Manolis. À l'EMA, nous demandons aux promoteurs des essais de réanalyser eux-mêmes leurs données quand nous estimons que cela se justifie d'un point de vue méthodologique. »
Tous les 3 à 6 mois, une rencontre a lieu entre les groupes de travail américains, européens, mais aussi japonais et canadiens, pour discuter et harmoniser l'appréciation des données issues de la simulation et de la modélisation.
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