« Grâce aux implants rétiniens, je peux de nouveau faire du ski en suivant le pilote dont je devine la silhouette sur la neige. J'ai retrouvé toute une liberté ». Ce témoignage d'un patient rapporté au « Quotidien » par le Dr Serge Picaud de l'Institut de la vision à Paris est révélateur des progrès réalisés depuis près de 20 ans dans le domaine de la rétine artificielle.
Les rétines artificielles ont pour objectif de restaurer une vision « utile » chez des patients devenus aveugles en raison d'une dégénérescence des photorécepteurs.
Réussir à se repérer
Les premiers implants ont été testés chez l'Homme au début des années 2000 et ont montré qu'une restauration de la vision était possible. Depuis, de nombreuses équipes tentent d'améliorer ces implants en testant différents matériaux et différents systèmes d'électrodes.
En France, une trentaine de patients atteints de rétinite pigmentaire bénéficient de l'implant Argus II dans le cadre du forfait innovation qui permet de financer de manière dérogatoire des dispositifs médicaux innovants. L'Argus II, mis au point par la société américaine pionnière dans le domaine Second sight, est composé de 60 électrodes. Avec cet implant, à utiliser avec des lunettes spécifiques pour la transmission du signal visuel, les patients perçoivent des signaux lumineux. Certains parviennent même à se repérer et d'autres encore à lire de gros caractères.
« Les études psychophysiques indiquent que 600 pixels sont nécessaires pour reconnaître des visages et se déplacer de manière totalement autonome », indique le Dr Picaud. Cependant, chaque électrode d’un implant ne produit pas nécessairement un pixel différent de l’électrode voisine. Ainsi, les résultats obtenus avec le modèle Alpha AMS, développé par la société allemande Retina Implant, ne sont pas à la hauteur des attentes espérées, malgré ses 1 600 électrodes. « Le courant électrique doit diffuser trop largement à partir d’une électrode de telle sorte que les signaux envoyés par les électrodes voisines se chevauchent », explique le Dr Picaud.
Implant de nouvelle génération
L'implant de nouvelle génération Prima de la société française Pixium Vision a été conçu de manière à ce que chaque électrode se transforme en pixel. Il est actuellement testé chez des patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) sèche dans le cadre d'un essai étude clinique français. « Les résultats chez les primates suggéraient une très haute résolution », note le Dr Picaud. En mars, Khalid Ishaque, le directeur général de Pixium Vision, annonçait : « Après l’activation de l’implant chez les trois premiers patients [sur les cinq prévus], les premières observations confirment que Prima permet de restaurer la perception lumineuse dans la zone rétinienne atrophique de ces patients où toute perception visuelle avait disparu avant l’implantation ». Cette étude est menée par le Pr José-Alain Sahel à Paris et bientôt aux États-Unis à Pittsburgh, où cinq autres patients devraient être inclus.
Prima, avec ses 378 électrodes, est un implant miniature photovoltaïque sans fil à placer sous la rétine. Il nécessite l'utilisation d'une paire de lunettes munie d'un système qui envoie des signaux lumineux infrarouges aux photodiodes entourant les électrodes. Ce système permet d’activer et d'individualiser le signal émis par chaque électrode.
La prochaine étape : « Mettre plusieurs de ces implants côte à côte, plutôt que d'en mettre un grand, afin de s'adapter au mieux à la courbure de l'œil et améliorer davantage la perception visuelle », avance le Dr Picaud.
Si la résolution de ces nouveaux implants laisse présager une perception visuelle accrue, retrouver une vision normale semble encore relever de la science-fiction. « D'autres approches, comme la transplantation rétinienne, permettront peut-être un jour d'atteindre cet objectif », selon le Dr Picaud.
« Dans le monde, près de 200 patients bénéficient d'implants rétiniens, estime-t-il. S'il reste des progrès à réaliser, beaucoup de patients trouvent un bénéfice dans leur vie quotidienne. Il faut rappeler que les patients étaient aveugles et qu’ils retrouvent certaines performances visuelles, même si celles-ci nous semblent limitées par rapport à la vision naturelle ».
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