Les troubles fonctionnels intestinaux (TFI) sont « une association variable de symptômes gastro-intestinaux chroniques ou récurrents non expliqués par des anomalies structurelles ou biochimiques », selon les critères de Rome IV. « Les critères Rome V sont attendus prochainement mais, a priori, il n’y aura pas trop de changements », indique la Pr Claire Dupont (CHU de Caen). Les TFI sont fréquents chez l’enfant sain, avec une prévalence mondiale estimée à 16 %. Ils touchent plus fréquemment les filles que les garçons et sont souvent associés à des troubles psychosociaux (anxiété, stress, dépression, trauma, etc.).
17 types de troubles
Les critères diagnostiques chez les enfants et les adolescents furent pour la première fois établis en 1994 (Rome I), puis plusieurs autres versions sont venues les préciser, en 1999 (Rome II), 2006 (Rome III) et 2016 (Rome IV). « Entre Rome III et IV, on a progressé vers un diagnostic positif et non plus d’exclusion. Il est reconnu que les TFI peuvent coexister avec des pathologies organiques (maladie de Crohn par exemple) chez un même patient. Deux nouvelles entités sont définies : les nausées et vomissements fonctionnels, ainsi que les douleurs abdominales fonctionnelles, non classées ailleurs. L’importance donnée aux critères cliniques permet de limiter les examens paracliniques, souligne la Pr Dupont. La situation est souvent délicate : d’un côté, pratiquer des investigations poussées peut rassurer le patient, mais cela peut aussi entretenir le doute sur la possibilité d’une maladie organique. »
On a progressé vers un diagnostic positif
Pr Claire Dupont
Dans Rome IV, sept types de troubles ont été définis chez les nourrissons et les jeunes enfants (régurgitations, rumination, vomissements cycliques, colique, diarrhée, dyschésie, constipation), ainsi que dix chez les enfants et les adolescents (avec trois grandes catégories : troubles fonctionnels avec nausées et vomissements ; douloureux abdominaux ; de la défécation), soit en tout 17 types de troubles fonctionnels intestinaux différents !
Les signes d’alerte
La première étape du diagnostic consiste ainsi à déterminer le motif de la consultation : des nausées, vomissements, régurgitations, gaz ? des douleurs abdominales chroniques ? un problème de transit ?
Même si les causes organiques sont rares, certains signes imposent des explorations orientées selon les causes suspectées, et nécessitent l’avis d’un gastropédiatre : antécédent familial de Mici, maladie cœliaque ou ulcère gastro-duodénal, douleur persistante à l’hypocondre droit ou fosse iliaque droite, dysphagie, odynophagie, vomissements persistants, saignement digestif, diarrhée nocturne (alors qu’au contraire les douleurs abdominales nocturnes peuvent être présentes en cas de troubles fonctionnels), arthrite, lésions périnéales, perte de poids involontaire, ralentissement de la vitesse de croissance, retard pubertaire et fièvre inexpliquée.
Si l’examen ne retrouve pas ces signes d’alarme, il convient alors de distinguer les différents types de TFI et, notamment, les différentes causes de douleurs abdominales chroniques, symptômes les plus fréquents. On en distingue quatre :
– La dyspepsie fonctionnelle doit inclure au moins un de ces signes incommodants, au moins quatre jours par mois pendant plus de deux mois : plénitude post-prandiale, satiété précoce, douleur ou brûlure épigastrique non liée à la défécation ;
– Le syndrome de l’intestin irritable se traduit par une douleur abdominale au moins quatre jours par mois depuis au moins deux mois, associée à au moins un de ces critères : douleur liée à la défécation, changement de fréquence ou de forme des selles. Et, chez l’enfant constipé, la douleur ne disparaît pas avec la résolution de la constipation.
– La migraine abdominale doit inclure, depuis plus de six mois, des épisodes (au moins deux) de douleurs abdominales paroxystiques, intenses, aiguës, qui interfèrent avec les activités, et associées à au moins deux de ces signes : anorexie, nausée, vomissement, céphalée, photophobie, pâleur.
– Enfin, les douleurs abdominales fonctionnelles regroupent l’ensemble des TFI qui ne peuvent pas être classés ailleurs.
Bien expliquer et accompagner la famille
Les mécanismes physiopathologiques ne sont pas encore totalement compris. La principale théorie suggère une dérégulation de l’axe de communication cerveau-intestin. L’interaction de multiples facteurs, génétiques, physiologiques, psychologiques et environnementaux affecterait le système nerveux central et pourrait déclencher une douleur abdominale fonctionnelle par le biais d’une hypersensibilité viscérale.
Les comorbidités psychologiques et le retentissement fonctionnel sont donc importants à prendre en compte, et peuvent être dépistés par des questionnaires d’anxiété (Stai-Y-A et B), dépression (CDI), fatigue (Peds-Facit-F), qualité de vie (PedsQL), et intensité des symptômes (Faces) par exemple.
« La prise en charge doit être globale. C’est une consultation souvent longue. Il faut prendre le temps de rassurer, de bien expliquer et nommer le trouble. La douleur est réelle mais n’est qu’un symptôme dans un contexte global. Elle s’améliore dans la grande majorité des cas », souligne la Pr Dupont. Il faut évoquer les facteurs déclenchants et certaines stratégies pour faire face : relaxation, autohypnose… L’avis d’un psychologue ou d’un pédopsychiatre est parfois utile.
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