La forte augmentation de l'incidence des maladies allergiques dans les pays industrialisés est à l'origine de la théorie hygiéniste, qui a conduit à étudier les interactions entre le microbiote et les allergies. Au cours des premières semaines de la vie, le microbiote, dont certains composants sont reconnus par le système immunitaire, participe à la maturation de ce système.
Pour éviter le rejet, le système immunitaire du fœtus a une orientation en cellules lymphocytaires de type Th2, dont l'implication dans la survenue des allergies est bien établie. Après la naissance, le rééquilibrage des populations lymphocytaires, notamment des cellules T régulatrices, est en partie lié au microbiote. Ce rôle est étayé par différents travaux, qui ont par exemple mis en évidence un risque accru d'allergies en cas de naissance par césarienne (et donc absence de contact du nouveau-né avec les microbiotes maternels entraînant une modification de l'établissement du microbiote) ou en cas d'antibiothérapie précoce.
« Les études ayant tenté de définir un profil bactérien orientant vers un état sain ou vers un état allergique ont donné des résultats discordants, souligne la Pr Marie-José Butel (faculté de pharmacie et Inserm, Université Paris Descartes, Paris). Plus que le fait de certains types bactériens, ce serait davantage la moindre diversité bactérienne qui pourrait être liée à des anomalies de la maturation du système immunitaire ».
Les travaux menés au cours de ces dernières années ont souligné l'importance des 1 000 jours (de la conception aux 2 ans de l'enfant) pour la mise en place de nombreuses fonctions, notamment l'immunité. Ce constat a donc conduit à évaluer l'impact de l'administration précoce de probiotiques sur la survenue des allergies. Et aujourd'hui, même s'il ne s'agit pas d'une recommandation de grade A en l'absence de preuves formelles, l'Organisation mondiale de l'allergie préconise l'administration de probiotiques chez la femme enceinte et le nouveau-né en cas de risque élevé d'allergies (antécédents familiaux) [1].
Naturellement se pose la question du type de probiotiques. « Les plus utilisés sont les bifidobactéries, qui dominent chez le nouveau-né, et les lactobacilles, très présents dans le microbiote vaginal maternel, 2 genres bactériens dénués de pouvoir pathogène, rappelle la Pr Butel. De nombreuses souches sont commercialisées depuis longtemps, mais les recherches actuelles visent à sélectionner les meilleures souches ou symbioses de souches pour une application clinique ciblée ».
Les résultats d'études in vitro, expérimentales et cliniques, convergent pour souligner les effets bénéfiques des probiotiques dans ce contexte, mais il s'agit souvent d'études sur de petites cohortes, dans des populations variées et en prévention de différents types d'allergie. Il est donc difficile de faire des méta-analyses, ce qui explique la difficulté pour les experts d'établir des recommandations précises.
« Il faut également mieux définir si les modifications du microbiote sont la cause ou la conséquence de l'allergie, poursuit le Pr Butel qui insiste sur la nécessité d'une intervention précoce. Une fois l'allergie installée, il est plus difficile de modifier quoi que ce soit ».
D'après un entretien avec la Pr Marie-José Butel, UMR-S 1139, faculté de pharmacie et Inserm, Université Paris-Descartes.
(1) World Allergy Organ J. Jan 2015
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