Chez l’enfant polyhandicapé, les difficultés nutritionnelles sont fréquentes et peuvent être à l’origine d’une dénutrition, d’un retard de croissance statural et pubertaire, de carences en micronutriments et d’une ostéopénie. La prévalence exacte de la dénutrition dans ce contexte reste mal connue, mais elle est estimée entre 30 et 50 %, augmentant avec l’âge et la sévérité du handicap. Plusieurs facteurs contribuent à la dénutrition : l’atteinte neurologique centrale (l’enfant n’exprime pas sa faim), les effets secondaires des médicaments, les troubles orthopédiques comme la scoliose ou l’hyperextension de la tête qui entraîne la perte de la filière oropharyngée, les troubles stomatologiques, la douleur… Ces facteurs s’entretiennent les uns les autres ce qui souligne la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire. « Si la littérature dans ce domaine est relativement riche, les études contrôlées sont rares et les stratégies de prise en charge se basent surtout sur des avis d’experts, a indiqué le Pr Frédéric Gottrand. Le consensus d’experts de l’ESPGHAN répond à 31 questions concrètes ».
L’évaluation de l’état nutritionnel repose en pratique sur des mesures anthropométriques, le poids, la taille, le périmètre brachial mais aussi de la masse grasse, à l’aide d’une pince à pli cutané. Ces mesures doivent être répétées tous les 6 mois à partir de l’âge de 4 ans, plus fréquemment chez le nourrisson, afin d’apprécier la cinétique de la croissance pondérale et staturale. La biologie est peu informative, mais le dosage de la ferritine, du fer sérique, du calcium, du phosphore et de la vitamine D sont à réaliser une fois par an afin de dépister les carences en micronutriments. La mesure de la densité minérale osseuse est elle aussi préconisée régulièrement : 70 % des enfants polyhandicapés ont une densité minérale osseuse basse (≤ 2DS), et le risque de fracture est de 4 % par an.
Un trouble de la déglutition et de l’alimentation peut être suspecté à l’aide de questions simples : durée des repas de dépassant régulièrement 30 minutes, temps de repas stressant pour l’enfant, les parents ou les deux, perte de poids ou absence de prise de poids depuis 2 ou 3 mois chez un enfant jeune, encombrement respiratoire ou gargouillements au moment des repas.
Le consensus met l’accent sur 5 signes d’alerte de dénutrition : des signes cliniques comme les complications de décubitus, les troubles cutanés ou une mauvaise circulation sanguine périphérique ; un rapport poids/taille ≤ 2DS ; un pli tricipital < 10e percentile pour l’âge et le sexe, une graisse ou aire musculaire brachiale <10e percentile ; une stagnation de la courbe pondérale et/ou retard de croissance staturale.
Il n’existe pas de recommandations spécifiques pour les besoins énergétiques dans cette population, qui sont a priori plus faibles que ceux des enfants sains du même âge du fait de la réduction fréquente de la taille, du poids et de l’activité physique. Des apports supplémentaires peuvent être nécessaires lors de la phase de rattrapage, mais les besoins doivent alors être régulièrement réévalués afin d’éviter le risque d’obésité. « Une attention particulière doit être apportée aux apports hydriques, notamment chez les enfants qui bavent, car les pertes peuvent atteindre un litre par jour (production quotidienne de salive), a insisté le Pr Gottrand. La déshydratation chronique a ses complications propres, lithiasiques par exemple, et elle peut indiquer une gastrostomie ». De même, il faut dépister et corriger si possible les troubles dentaires, orthopédiques et positionnels, qui contribuent aux difficultés alimentaires. Lorsqu’une nutrition entérale prolongée est nécessaire, la gastrostomie est la voie d’abord recommandée. « Une décision qui, encore plus que toute autre, doit être prise en accord avec les parents, et qui sera plus facilement acceptée si cette option a été présentée et expliquée précocement à la famille », a rappelé le Pr Gottrand.
D’après la communication du Pr Frédéric Gottrand (Lille)
(1) Romano C et al. ESPGHAN . J Pediatr Gastroenterol Nutr. Sous presse.
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