Pneumonie chez les enfants infectés par le VIH

Une cause importante de mortalité

Publié le 07/10/2011
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Crédit photo : BSIP

Selon l’OMS, le nombre d’enfants vivant avec le VIH a été estimé à 2,1 millions en 2008, dont 90 % en Afrique subsaharienne. L’incidence de cette infection reste élevée, avec 430 000 nouveaux cas chaque année. Environ 1/3 des enfants non traités mourront durant leur première année de vie et 50 % avant l’âge de 2 ans. La diarrhée et la pneumonie sont les principales causes de morbidité et de mortalité chez les enfants VIH+ (1).

De multiples agents pathogènes.

« Alors que chez les enfants non infectés par le VIH (VIH-), les pneumonies sont essentiellement virales, les agents pathogènes responsables de pneumonie chez les enfants VIH+ sont multiples » constate Heather Zar (Le Cap, Afrique du Sud). De plus, l’infection polymicrobienne est fréquente et associée à un risque de mortalité qui croît exponentiellement avec l’augmentation du nombre d’agents infectieux.

Pneumocystis jirovecii (PCP, ex Pneumocystis carinii) est l’agent pathogène le plus fréquemment responsable de pneumonies chez les enfants VIH+. La fréquence de pneumonies à PCP est multipliée par 10 chez ces enfants et l’infection VIH multiplie par 6 le risque de mortalité lors d’une pneumonie à PCP. La pneumonie à PCP est particulièrement sévère chez les enfants chez qui l’infection à VIH n’a pas encore été diagnostiquée, qui ne sont pas sous trithérapie antirétrovirale (ART) ou qui ne prennent pas de chimioprophylaxie au cotrimoxazole. Les enfants exposés au VIH mais non infectés (issus de mère VIH+) sont aussi à risque bien, que moins élevé que chez les enfants infectés (2). Cette pneumonie survient le plus souvent chez l’enfant très jeune (âge médian 3 mois) même si des cas peuvent aussi être observés après 12 mois.

Les pneumonies dues à des bactéries pathogènes Gram+ (Streptococcus pneumoniae, Staphylococcus aureus) et Gram- (Haemophilus influenzae B [HiB]), salmonelles et Escherichia coli) sont aussi plus nombreuses, avec un accroissement de la résistance des antibiotiques à ces bactéries. Chez les enfants VIH+, le risque d’infections invasives à pneumocoque est multiplié par 40 et le risque de pneumonie pneumococcique est multiplié par 10 par rapport aux enfants VIH- (3). En cas d’infection VIH, on note aussi une prévalence trois plus élevée de pneumonies à S aureus et à E Coli… Dans les zones à haute prévalence de tuberculose, Mycobacterium tuberculosis est responsable de 8 % des pneumonies aiguës, souvent associées à d’autres infections bactériennes.

Enfin les infections virales, en particulier à Cytamegalovirus (CMV), sont fréquentes chez les enfants VIH+. Une infection à CMV est retrouvée dans 20 % des pneumonies fatales et une co-infection avec le PCP est constatée dans 10 % des cas (4).

Une prise en charge encore souvent empirique.

Très peu d’études randomisées contrôlées ont été effectuées pour évaluer les traitements antibiotiques chez les enfants VIH+. L’OMS a cependant émis des recommandations de prise en charge visant à réduire la mortalité due aux pneumonies en les adaptant aux zones à prévalence élevée de VIH (1). En plus de réduire la mortalité infantile de 76 % et la progression de l’infection VIH de 75 %, l’usage de thérapie antirétrovirale dès le diagnostic d’infection à VIH réduit significativement l’incidence et la sévérité des pneumonies (5). Dès qu’une pneumonie est suspectée, les antibiotiques à large spectre doivent être utilisés sans attendre l’identification de l’agent causal. En cas de pneumonie non sévère, l’amoxicilline ou le cotrimoxazole sont recommandés. Si la pneumonie est sévère ou très sévère, le traitement de première intention recommandé chez les enfants infectés ou exposés au VIH âgés de moins de 5 ans est l’ampicilline (ou la pénicilline quand l’ampicilline n’est pas disponible) plus la gentamicine. La ceftriaxone peut aussi être utilisée comme traitement alternatif de première ligne ou en seconde ligne pour les enfants qui ne répondent pas à l’association ampicilline gentamicine (1).

La prophylaxie au cotrimoxazole est le traitement préventif standard de la pneumonie à PCP pour les nourrissons et les enfants infectés ou exposés au VIH. Il a été démontré qu’il réduit la morbimortalité due aux pneumonies présumées d’origine bactérienne chez les enfants vivant avec le VIH (6). « Il est regrettable, souligne Heather Zar, que bien qu’efficace et peu couteux, ce traitement prophylactique soit aussi peu utilisé. » En effet, selon l’OMS, seulement 8 % des enfants infectés ou exposés au VIH en bénéficient. Il est aussi utilisé comme traitement empirique chez les enfants VIH+, dès qu’une pneumonie à PCP est suspectée. Dans ce cas, les recommandations de l’OMS préconisent la prescription systématique de cotrimoxazole quel que soit l’âge ou le nombre de CD4, sans limite de durée, si les enfants ne sont pas sous ART et jusqu’à reconstitution immunologique, si les enfants sont sous trithérapie.

La mise à disposition des vaccins conjugués HiB et pneumococcique a eu un impact important sur l’épidémiologie et l’étiologie des pneumonies. Elle a diminué leur incidence ainsi que les hospitalisations pour pneumonies sévères. Le vaccin pneumococcique réduit aussi l’incidence et la sévérité des méningites et des bactériémies à pneumocoques même si les infections invasives restent plus fréquentes que chez les enfants VIH-. Bien que protectrices, les immunisations spécifiques ont une efficacité réduite chez les enfants qui ne sont pas sous ART. Alors que chez les enfants VIH+ sous ART, l’immunogénicité est identique à celle observée chez les enfants non infectés. En l’absence de traitement, des doses de rappel peuvent être nécessaires car l’efficacité du vaccin diminue avec le temps. Enfin, dans des zones à prévalence élevée de tuberculose, un traitement préventif par isoniazide contre M. tuberculosis est conseillé, en particulier chez les enfants VIH+ qui ne sont pas sous ART.

Pour Heather Zar : « il est urgent que l’accès aux stratégies préventives et thérapeutiques efficaces, en particulier la prophylaxie contre le PCP, les vaccins pneumococciques conjugués et la trithérapie antirétrovirale, soit facilité dans les zones à haute prévalence de VIH pédiatrique. »

› YVONNE EVRARD

D’après la communication du Dr Heather Zar (Le Cap - Afrique du Sud) : « Pneumonia in HIV-infected children »

(1) WHO recommendations on the management of diarrhoea and pneumonia in HIV-infected infants and children 2010. http://whqlibdoc.who.int

(2) Morrow BM et coll. Pediatr Infect Dis J. 2010;29(6):535-9.

(3) Zar HJ & Madhi SA. S Afr Med J. 2008;98(6):463-7

(4) Zampoli M et coll. Pediatr Infect Dis J. 2011;30(5):413-7.

(5) Violari A et coll. N Eng J Med. 2008;359(21):2233-44.

(6) Chintu C et coll. Lancet 2004;364(9448):1865-71.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9020