La vaccination de l’asthme pourrait reposer sur plusieurs pistes. La première est l’identification d’un gène d’intérêt dysfonctionnel modifié, afin d’obtenir la protéine d’intérêt et une vaccination génique. « Or il existe une grande hétérogénéité entre les patients, ainsi qu’entre les gènes impliqués, ce qui rend très complexe cette perspective. Il faudrait cibler plusieurs gènes à la fois… Je doute que dans un avenir proche, nous arrivions à une vaccination génique », prévient le Pr Laurent Guilleminault (CHU Toulouse).
Les essais en cours portent plutôt sur une vaccination non génique, ciblant directement les mécanismes T2 majoritairement impliqués dans l’asthme. « Cette stratégie semble beaucoup plus adaptée », souligne le pneumologue. Si l’on dispose déjà de traitements efficaces, à base d’anticorps dirigés contre l’IL-4 et l’IL-13, deux cytokines qui jouent un rôle majeur dans l’inflammation, l’idée serait alors d’intervenir en amont, et de bloquer l’inflammation de façon durable. Un tel vaccin thérapeutique ferait alors produire par l’organisme lui-même les anticorps bloquant l’IL-4 et l’IL-13. Il est actuellement en développement au sein du laboratoire Infinity de l’équipe de recherche de l’université Toulouse III-Paul Sabatier, en collaboration avec l’Institut Pasteur et l’entreprise Neovacs, dans l’asthme allergique. Les résultats sont encourageants.
Contre les IL-4 et IL-13
Le vaccin conjugué, appelé Kinoïde, couple les cytokines recombinantes IL-4 et IL-13 avec une protéine porteuse, CRM197, qui correspond à la forme mutée non pathogène de la toxine diphtérique, utilisée dans de nombreux vaccins conjugués. Une fois qu’il est injecté, le système immunitaire produit des anticorps dirigés contre cette protéine, mais aussi contre les cytokines IL-4 et IL-13.
Les premiers vaccins kinoïdes ont tout d’abord été produits à partir de l’IL-4 et de l’IL-13 murines, afin d’obtenir une preuve de concept de l’efficacité de ces candidats chez la souris. La vaccination a induit une forte production d’anticorps polyclonaux de type IgG dirigés contre l’IL-4 et l’IL-13. Cette réponse était encore observable chez plus de 60 % des souris un an après la primovaccination, ce qui montre sa durabilité dans le temps.
L’efficacité des vaccins kinoïdes IL-4 et IL-13 a ensuite été testée dans un modèle murin d’asthme chronique, induit par des administrations intranasales répétées d’extraits d’acariens. Ils ont entraîné une forte réduction des taux d’IgE, avec un effet plus prononcé pour le vaccin anti-IL-4 que pour le vaccin anti-IL-13.
L’hyperréactivité bronchique et la production de mucus ont également été considérablement diminuées chez les souris vaccinées avec, cette fois, un effet beaucoup plus marqué pour le vaccin anti-IL-13. « Finalement, le recrutement de granulocytes éosinophiles dans les voies aériennes a été réduit chez les souris ayant reçu l’un ou l’autre vaccin et davantage encore chez celles vaccinées avec les deux kinoïdes de manière combinée », résume le Pr Guilleminault. Aucun effet indésirable n’a été observé chez l’animal.
Passage aux cytokines humaines
À la suite de ces résultats, ces vaccins kinoïdes ont été testés dans un modèle murin « humanisé ». La vaccination a induit une réponse anticorps importante, capable de neutraliser les cytokines IL-4 et IL-13 humaines, sans diminution de l’efficacité jusqu’à plus de trois mois après l’injection. Un effet sur les symptômes de l’asthme a également été observé.
Ces résultats précliniques encourageants ont fait l’objet d’une publication dans la revue Nature Communications (1). Des études sont en cours chez le singe. Leurs résultats devront être confirmés par des essais cliniques chez l’humain.
Ce vaccin permettrait d’ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques dans l’asthme allergique sévère mais pas seulement, car l’IL-4 et l’IL-13 sont aussi impliquées dans d’autres pathologies allergiques, comme la dermatite atopique ou l’allergie alimentaire.
Communication du Pr Laurent Guilleminault lors de la session française commune ERS-SPLF
(1) E. Conde et al. Nat Commun. 2021 May 11;12(1):2574
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