Le dupilumab (anti-IL-4/IL-13) a marqué un tournant en devenant, récemment, le premier médicament ciblé approuvé dans l’Union européenne pour le traitement de la BPCO non contrôlée chez des patients déjà sous trithérapie associant un corticoïde, un bronchodilatateur bêta-2 agoniste de longue durée d’action (Laba) et un bronchodilatateur anticholinergique de longue durée d’action (Lama) – ou Laba/Lama en cas de contre-indication aux corticoïdes inhalés.
Une analyse groupée des études de phase 3 Boreas et Notus, présentée au congrès, a confirmé que le dupilumab pendant 52 semaines réduisait de 31 % les exacerbations et améliorait la fonction pulmonaire par rapport au placebo chez des patients atteints de BPCO non contrôlée, associée à une éosinophilie sanguine élevée.
Cibler l’IL-33
En plus des cytokines de type Th2 (IL-4, IL-13), les alarmines telles que l’IL-33 et le TSLP (Thymic stromal lymphopoietin), secrétées de façon abondante par l’épithélium bronchique, jouent un rôle dans le déclenchement de la réaction inflammatoire et elles apparaissent ainsi comme des cibles thérapeutiques intéressantes.
L’itépékimab est un anticorps monoclonal ciblant l’IL-33. Une analyse post-hoc d’une étude de phase 3 incluant 157 patients atteints de BPCO modérée à sévère (âgés de 40 à 75 ans), anciens fumeurs, avec un tabagisme estimé à plus de 10 paquets-année et rapportant plus de deux exacerbations l’année précédente, malgré une double ou triple thérapie standard, a été présentée au congrès (1).
Les résultats montrent une réduction du taux annuel d’exacerbation de 51 % (0,54 vs 1,09 dans le groupe deux exacerbations/an et 1,26 vs 2,59 dans le groupe ≥ 3 exacerbations) et un allongement du délai jusqu’à la première exacerbation, indépendamment de leur nombre.
Une autre molécule, le tozorakimab, un mAb anti-IL-33, est en cours de développement. Les résultats de l’étude de phase 2a Frontier-4 ont été communiqués (2). Les patients inclus, atteints de BPCO, étaient des fumeurs actifs ou d’anciens fumeurs (tabagisme estimé à plus de 10 paquets-année) et avaient eu une ou plusieurs exacerbations dans les 24 derniers mois, malgré un traitement par bi- ou trithérapie inhalée. Ils ont été randomisés en deux groupes : tozorakimab 600 mg en sous-cutané, 7 doses toutes les 4 semaines pendant 28 semaines (n = 67) versus placebo (n = 68).
D’autres essais sont nécessaires pour mieux définir la population cible
Les résultats se sont révélés décevants, avec une amélioration non significative du VEMS dans le groupe tozorakimab (12 ml) vs placebo. Dans les analyses en sous-groupe, il n’y avait pas de différence d’efficacité du tozorakimab sur l’amélioration du VEMS et la diminution du risque d’exacerbation entre les patients fumeurs actifs et sevrés. En revanche, les patients ayant fait plus de deux exacerbations l’année précédente et ceux ayant une éosinophilie sanguine supérieure à 150 cellules/µL ont présenté un bénéfice avec le tozorakimab vs placebo.
L’efficacité du tozorakimab a également été étudiée sur la réduction des bouchons muqueux, par TDM à l’inclusion et à 28 semaines (différence moyenne -1,5, IC80 [-3,0 ; -0,0], p = 0,097) : ces résultats sont cohérents avec le mécanisme d’action de la molécule.
La tolérance était globalement similaire entre les deux groupes.
L’espoir d’un anti-TSLP
Autre présentation au congrès, les résultats complémentaires de l’étude de phase 2a Course, évaluant l’efficacité du tézépélumab, un anticorps ciblant la TSLP, une autre alarmine (3). Les 333 patients (40-80 ans) inclus dans cette étude étaient atteints de BPCO modérée à sévère et avaient présenté au moins deux exacerbations dans l’année, malgré un traitement par triple thérapie inhalée. Ils ont été randomisés en deux groupes : tézépélumab 420 mg toutes les quatre semaines versus placebo sur 52 semaines.
Les premiers résultats avaient montré une réduction numérique du taux annualisé d’exacerbations modérées ou sévères de 17 %, mais non significative (p = 0,1042). La réduction était d’autant plus marquée que l’éosinophilie sanguine était élevée.
Une analyse post-hoc a évalué l’efficacité du tézépélumab vs placebo pour retarder les exacerbations. La molécule a permis un allongement non significatif du temps jusqu’à la première exacerbation modérée ou sévère par rapport au placebo dans l’ensemble de la population (délai médian de 253 jours dans le groupe tézépélumab vs 214 jours dans le groupe placebo). De même concernant l’allongement du temps jusqu’à la première exacerbation sévère ; cet allongement est d’autant plus important que l’éosinophilie est élevée (≥ 300).
Tous ces résultats rapportés avec les anti-alarmines sont encourageants et nécessitent d’être confirmés par d’autres essais afin de mieux définir la population cible.
L’ensifentrine, premier d’une nouvelle classe
Enfin, à côté des bronchodilatateurs et des anti-inflammatoires (corticoïdes inhalés), un inhibiteur double sélectif de la phosphodiestérase-3 (PDE3) et 4 (PDE4), l’ensifentrine, administré par voie inhalée, a été développé et vient d’ailleurs d’être approuvé par la FDA américaine. Il possède une action anti-inflammatoire, bronchodilatatrice et améliore la clairance mucociliaire.
Selon les données des études Enhance 1 et 2, l’ensifentrine permet d’améliorer le VEMS et de réduire la fréquence des exacerbations modérées/sévères : de 36 % dans Enhance 1 et de 44 % dans Enhance 2 à 24 semaines. Une analyse post-hoc a évalué l’efficacité de l’ensifentrine dans la sous-population de patients présentant une bronchite chronique (4).
Elle confirme une réduction du taux d’exacerbations de 38 % dans le groupe bronchite chronique et de 46 % dans le groupe sans bronchite chronique, par rapport au placebo. Son bénéfice est ainsi marqué indépendamment des antécédents de bronchite chronique.
(1) Klaus F. Rabe. OA3645
(2) Dave Singh. OA1964
(3) Dave Singh. OA 2773
(4) Jadwiga Wedzicha. OA 2780
Escalade thérapeutique, ne pas attendre !
Une étude rétrospective a porté sur l’effet d’une initiation précoce d’une triple thérapie inhalée (budésonide/glycopyrronium/fumarate de formotérol) à la suite d’une exacerbation de BPCO modérée à sévère (1).
L’étude a utilisé une base de données américaine incluant des patients atteints de BPCO âgés de plus de 40 ans, ayant présenté au moins une exacerbation sévère ou deux exacerbations modérées sous bithérapie inhalée. Le traitement de fond des patients avait été modifié vers une trithérapie inhalée dans l’année suivant l’exacerbation. Le délai d’initiation de la trithérapie était considéré comme précoce s’il survenait dans les 30 jours, retardé entre 31 et 180 jours et très retardé entre 181 et 365 jours.
Parmi les 10 103 patients inclus, 1 122 ont eu une initiation précoce, 4 064 une initiation retardée et 4 917 une initiation très retardée de la trithérapie. L’initiation précoce a permis de réduire le taux annuel d’exacerbations de 23 % par rapport à une initiation retardée et de 31 % par rapport à une initiation très retardée.
De même, les événements cardiovasculaires ont été réduits de 19 % dans le groupe initiation précoce par rapport au groupe initiation retardée et de 13 % par rapport au groupe d’initiation très retardée.
(1) Hana Müllerova. OA 4564
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