Objectif modération : le maître mot des prochaines recommandations les pneumopathies aiguës communautaires (PAC)

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Publié le 19/04/2024
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De nouvelles recommandations sur les pneumopathies aiguës communautaires (PAC) sont en cours de finalisation et devraient être diffusées lors des prochaines Journées nationales d’infectiologie, en juin. Le Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte (CH St-Denis) en dévoile les premières grandes lignes.

Les nouvelles recommandations tablent désormais sur un arrêt des antibiotiques à J3, J5 ou J7 au plus tard

Les nouvelles recommandations tablent désormais sur un arrêt des antibiotiques à J3, J5 ou J7 au plus tard
Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

Les dernières recommandations françaises sur pneumopathies aiguës communautaires (PAC), communes à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, devenue ANSM depuis), la Société de pneumologie de langue française (SPLF), la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), etc., ont bientôt 15 ans. Il était donc nécessaire de les remettre au goût du jour : la SPLF et la SPILF coordonnent ce travail avec d’autres sociétés savantes partenaires (incluant des radiologues, microbiologistes, urgentistes, réanimateurs).

Sur le plan diagnostique

L’échographie pleuropulmonaire (réalisée par un praticien formé) est aujourd’hui considérée comme un outil iconographique reconnu et donc utilisable.

En revanche, l’utilisation des PCR virales fait encore débat dans les syndromes respiratoires infectieux. « On observe des prescriptions très hétérogènes de ces tests en fonction des centres. Les nouvelles recommandations vont donc trancher sur ce qu’il convient de faire », indique le Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte, chef du service de pneumologie et infectiologie de l’hôpital de St-Denis.

Concernant les biomarqueurs de l’inflammation, il n’est pas recommandé de pratiquer de façon systématique le dosage de la CRP ou de la PCT, et ce, ni pour le diagnostic, ni pour le suivi, parce que les résultats retrouvés n’ont pas d’incidence sur la pratique.

Les antigénuries légionnelle et/ou pneumocoque sont recommandées uniquement dans les cas sévères (patients admis en réanimation) alors qu’aujourd’hui, c’est fait de façon quasi systématique chez tout patient arrivant aux urgences avec une PAC. La réalisation d’un examen cytobactériologique des crachats devrait également être réservée aux patients les plus sévères (sous VMC) et/ou chez ceux présentant des bactéries résistantes (tel un Pseudomonas) et relevant donc d’une antibiothérapie autre que celle donnée en première ligne. « Ne doivent être finalement faits que les examens dont les résultats sont susceptibles de modifier la pratique », résume le Dr Tandjaoui-Lambiotte.

Tout examen n’est utile que s’il est susceptible de modifier la pratique

Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte

Sur le plan thérapeutique

Alors qu’une antibiothérapie d’une durée de 7 à 14 jours était de mise pour les PAC les plus conventionnelles, les nouvelles recommandations tablent désormais sur une durée de traitement qui n’excède pas sept jours et, pour les patients cliniquement stables, un arrêt des antibiotiques à J3 ou à J5. C’est déjà le cas dans d’autres pays comme les États-Unis ou les Pays-Bas par exemple. « Les critères de stabilité clinique sont l’apyrexie (< 37,8 °C), l’absence d’hypotension artérielle (avec une TAs > 90 mmHg), de tachycardie (FC < 100 bpm), de polypnée (FR < 24) et de désaturation (SpO> 90 % en air ambiant). Si tous ces critères sont obtenus au bout de trois jours d’antibiothérapie, cette dernière peut alors être stoppée à J3. Si ce n’est pas le cas au bout de trois jours, mais au bout de cinq, l’antibiothérapie peut être stoppée à J5. À défaut, elle est stoppée au bout de sept jours quoi qu’il arrive », rappelle le Dr Tandjaoui-Lambiotte.

Alors que, dans le passé, les corticoïdes n’avaient pas leur place (et ne l’ont toujours pas dans les PAC non graves), les nouvelles recommandations font une place à une corticothérapie précoce – hémisuccinate d’hydrocortisone dans les 24 heures qui suivent l’apparition des signes de gravité, avec une dose de 200 mg/jour pendant 4 à 5 jours, suivie d’une décroissance assez rapide – pour les patients admis en réanimation ou en soins critiques, sous réserve qu’ils n’aient pas la grippe, pas de pneumopathie d’inhalation et pas d’immunodépression.

D’autre part, alors que les fluoroquinolones antipneumococciques (comme la lévofloxacine) pouvaient être proposées en première ligne en 2010, au même titre que les ß-lactamines, il est fort probable que l’utilisation de ces molécules, dont on sait qu’elles ont un fort pouvoir de sélection de bactéries résistantes sur le plan respiratoire, digestif, etc., soient désormais réservées aux seuls cas d’allergie aux ß-lactamines. « Ces recommandations réaffirment aussi le fait qu’il n’y a pas de place à une bithérapie probabiliste, associant une ß-lactamine à un macrolide, en dehors des patients admis en soins critiques (soins intensifs ou réanimation) : c’était déjà recommandé en 2010, mais pas toujours correctement appliqué ! », remarque le Dr Tandjaoui-Lambiotte.

Nous réaffirmons que la bithérapie est exclue – sauf en soins critiques

Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte

Au total, la pierre angulaire du traitement reste donc l’amoxicilline, sauf cas particulier d’une PAC associée à une grippe, puisque cette dernière augmente le risque d’infection par un staphylocoque doré, ou dans un contexte de comorbidité avec une PAC associée à une BPCO ou une insuffisance cardiaque : il faut alors prescrire de l’amoxicilline - acide clavulanique (Augmentin). Dans un contexte particulier d’épidémie à un mycoplasme, un macrolide peut être prescrit en première intention.

Une réévaluation à trois jours est nécessaire pour vérifier l’efficacité du traitement. « Une imagerie de contrôle n’est pas utile après une PAC sans gravité, sauf en cas de facteur de risque de cancer pulmonaire (fumeur de plus de 50 ans) : dans ce cas, elle est à faire deux mois après l’épisode infectieux », indique le Dr Tandjaoui-Lambiotte.

Entretien avec le Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte (CH St-Denis)

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du Médecin