Les dernières recommandations françaises sur pneumopathies aiguës communautaires (PAC), communes à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, devenue ANSM depuis), la Société de pneumologie de langue française (SPLF), la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), etc., ont bientôt 15 ans. Il était donc nécessaire de les remettre au goût du jour : la SPLF et la SPILF coordonnent ce travail avec d’autres sociétés savantes partenaires (incluant des radiologues, microbiologistes, urgentistes, réanimateurs).
Sur le plan diagnostique
L’échographie pleuropulmonaire (réalisée par un praticien formé) est aujourd’hui considérée comme un outil iconographique reconnu et donc utilisable.
En revanche, l’utilisation des PCR virales fait encore débat dans les syndromes respiratoires infectieux. « On observe des prescriptions très hétérogènes de ces tests en fonction des centres. Les nouvelles recommandations vont donc trancher sur ce qu’il convient de faire », indique le Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte, chef du service de pneumologie et infectiologie de l’hôpital de St-Denis.
Concernant les biomarqueurs de l’inflammation, il n’est pas recommandé de pratiquer de façon systématique le dosage de la CRP ou de la PCT, et ce, ni pour le diagnostic, ni pour le suivi, parce que les résultats retrouvés n’ont pas d’incidence sur la pratique.
Les antigénuries légionnelle et/ou pneumocoque sont recommandées uniquement dans les cas sévères (patients admis en réanimation) alors qu’aujourd’hui, c’est fait de façon quasi systématique chez tout patient arrivant aux urgences avec une PAC. La réalisation d’un examen cytobactériologique des crachats devrait également être réservée aux patients les plus sévères (sous VMC) et/ou chez ceux présentant des bactéries résistantes (tel un Pseudomonas) et relevant donc d’une antibiothérapie autre que celle donnée en première ligne. « Ne doivent être finalement faits que les examens dont les résultats sont susceptibles de modifier la pratique », résume le Dr Tandjaoui-Lambiotte.
Tout examen n’est utile que s’il est susceptible de modifier la pratique
Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte
Sur le plan thérapeutique
Alors qu’une antibiothérapie d’une durée de 7 à 14 jours était de mise pour les PAC les plus conventionnelles, les nouvelles recommandations tablent désormais sur une durée de traitement qui n’excède pas sept jours et, pour les patients cliniquement stables, un arrêt des antibiotiques à J3 ou à J5. C’est déjà le cas dans d’autres pays comme les États-Unis ou les Pays-Bas par exemple. « Les critères de stabilité clinique sont l’apyrexie (< 37,8 °C), l’absence d’hypotension artérielle (avec une TAs > 90 mmHg), de tachycardie (FC < 100 bpm), de polypnée (FR < 24) et de désaturation (SpO2 > 90 % en air ambiant). Si tous ces critères sont obtenus au bout de trois jours d’antibiothérapie, cette dernière peut alors être stoppée à J3. Si ce n’est pas le cas au bout de trois jours, mais au bout de cinq, l’antibiothérapie peut être stoppée à J5. À défaut, elle est stoppée au bout de sept jours quoi qu’il arrive », rappelle le Dr Tandjaoui-Lambiotte.
Alors que, dans le passé, les corticoïdes n’avaient pas leur place (et ne l’ont toujours pas dans les PAC non graves), les nouvelles recommandations font une place à une corticothérapie précoce – hémisuccinate d’hydrocortisone dans les 24 heures qui suivent l’apparition des signes de gravité, avec une dose de 200 mg/jour pendant 4 à 5 jours, suivie d’une décroissance assez rapide – pour les patients admis en réanimation ou en soins critiques, sous réserve qu’ils n’aient pas la grippe, pas de pneumopathie d’inhalation et pas d’immunodépression.
D’autre part, alors que les fluoroquinolones antipneumococciques (comme la lévofloxacine) pouvaient être proposées en première ligne en 2010, au même titre que les ß-lactamines, il est fort probable que l’utilisation de ces molécules, dont on sait qu’elles ont un fort pouvoir de sélection de bactéries résistantes sur le plan respiratoire, digestif, etc., soient désormais réservées aux seuls cas d’allergie aux ß-lactamines. « Ces recommandations réaffirment aussi le fait qu’il n’y a pas de place à une bithérapie probabiliste, associant une ß-lactamine à un macrolide, en dehors des patients admis en soins critiques (soins intensifs ou réanimation) : c’était déjà recommandé en 2010, mais pas toujours correctement appliqué ! », remarque le Dr Tandjaoui-Lambiotte.
Nous réaffirmons que la bithérapie est exclue – sauf en soins critiques
Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte
Au total, la pierre angulaire du traitement reste donc l’amoxicilline, sauf cas particulier d’une PAC associée à une grippe, puisque cette dernière augmente le risque d’infection par un staphylocoque doré, ou dans un contexte de comorbidité avec une PAC associée à une BPCO ou une insuffisance cardiaque : il faut alors prescrire de l’amoxicilline - acide clavulanique (Augmentin). Dans un contexte particulier d’épidémie à un mycoplasme, un macrolide peut être prescrit en première intention.
Une réévaluation à trois jours est nécessaire pour vérifier l’efficacité du traitement. « Une imagerie de contrôle n’est pas utile après une PAC sans gravité, sauf en cas de facteur de risque de cancer pulmonaire (fumeur de plus de 50 ans) : dans ce cas, elle est à faire deux mois après l’épisode infectieux », indique le Dr Tandjaoui-Lambiotte.
Entretien avec le Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte (CH St-Denis)
Article précédent
La SPLF se rapproche de la classification Gold 2023… sans en adopter la stratégie thérapeutique
Article suivant
Traitement étiologique de l’HTAP : un espoir pour les malades les plus sévères
CPHG, SPLF, SAR : les priorités des instances de la pneumologie pour 2024
Comment la pollution cause le cancer : découverte du chaînon manquant
La SPLF se rapproche de la classification Gold 2023… sans en adopter la stratégie thérapeutique
Objectif modération : le maître mot des prochaines recommandations les pneumopathies aiguës communautaires (PAC)
Traitement étiologique de l’HTAP : un espoir pour les malades les plus sévères
Le nouveau DES de pneumologie a trouvé sa place dans les services
Les projets de la Fondation du souffle pour 2024
ParcoursPro online : un outil pour enregistrer dès maintenant ses actions de certification
Un collectif réunissant professionnels et patients pour un droit universel à respirer
Les pneumologues pleinement investis pour la santé publique
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?