Diverses méta-analyses déjà anciennes ont mis en évidence une association nette entre glaucome et syndromes d'apnées du sommeil (SAS), la corrélation étant d'autant plus marquée que le SAS est sévère. Plus récente, une petite étude de cas-contrôle montre que la prévalence du SAS est significativement différente en cas de glaucome (12 % vs 0 %), ce que confirme une cohorte italienne.
Certaines études n'ont pas retrouvé cette association, comme celle de l'observatoire de la Fédération française de pneumologie ainsi qu'une enquête menée aux États-Unis, mais le diagnostic du glaucome était déclaratif dans la première et l'existence d'un SAS reposait sur l'autodiagnostic dans la seconde.
Inflammation et stress oxydatif en ligne de mire
« Nous disposons d'un certain nombre d'arguments physiopathologiques reliant les deux pathologies », explique la Pr Maria Pia d’Ortho (hôpital Bichat, AP-HP). En cas de SAS, chaque reprise ventilatoire s'accompagne d'une activation du système sympathique avec accélération de la fréquence cardiaque et montée de la pression artérielle (PA), ce qui explique en grande partie que les patients apnéiques soient pour beaucoup des non dippers, c'est-à-dire que leur PA ne baisse pas pendant la nuit. D'autre part, l'alternance saturation/désaturation provoque inflammation et stress oxydatif, le SAS s'accompagnant ainsi d'une inflammation systémique de bas grade, avec ses conséquences sur le plan cardiovasculaire et métabolique.
L'inflammation, le stress oxydatif, les variations de la PA font le lien avec les pathologies oculaires, puisque ces éléments interviennent dans la composante biologique et mécanique du glaucome. Des études ont montré que le niveau de pression intraoculaire est corrélé avec la sévérité du SAOS, de même que l'atteinte du champ visuel et la diminution de l'épaisseur de la couche nerveuse rétinienne.
Traiter le SAS, des incertitudes sur le plan oculaire
Les règles d'hygiène de vie préconisées dans l'abord du SAS – perte pondérale, arrêt de la consommation d'hypnotiques ou d'alcool le soir ne peuvent être que bénéfiques. En revanche, la question reste posée pour les traitements plus spécifiques, comme la ventilation par pression positive continue (PPC) ou les orthèses d'avancée mandibulaire, – très efficaces sur le plan symptomatologique, et bénéfiques sur le plan cardiovasculaire, à condition d'une bonne observance.
Dans une étude menée chez 18 patients atteints de SAS mais indemnes de glaucome, seuls 5 gardaient un cycle nycthéméral de la pression intraoculaire (PIO) normal ; chez les autres elle augmentait ou ne variait pas. Sous PPC, la variation nocturne de la PIO était rétablie dans 75 % des cas.
Un autre essai chez 90 patients confirme que la prévalence du glaucome est plus élevée dans les SAS non traités mais aussi que la PIO est significativement plus basse chez les SAS traités. Dans d'autres études de très petite taille, la PPC ne modifie pas le cycle nycthéméral de la PIO en l'absence de glaucome mais l'augmenterait chez les patients atteints ; mais la très petite taille de ces études et l'absence de suivi ne permettent pas de conclure.
« En pratique, en cas de SAS, un bilan ophtalmologique est indispensable à la recherche de glaucome et autres pathologies oculaires, souligne la spécialiste. Il ne peut être question de proposer un enregistrement du sommeil à tous les glaucomes mais, après des questions simples sur la qualité du sommeil, l'existence d'une somnolence diurne, on l'envisagera chez ceux qui ont une symptomatologie et/ou des maladies cardiovasculaires ».
Communication de la Pr Maria Pia d’Ortho, hôpital Bichat, Explorations fonctionnelles multidisciplinaires, physiologie, centre du sommeil
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