Les recommandations internationales préconisent de prescrire des neuroleptiques lors d’un premier épisode psychotique (PEP), devant des symptômes positifs durables. Ils doivent être poursuivis 12 mois (18 mois pour certaines sociétés savantes) après la rémission des symptômes, 24 mois si c’est le 2e épisode, et en continu après deux rechutes. On favorise les antipsychotiques atypiques en première intention, en commençant par de faibles doses et en visant la dose minimale efficace. L’arrêt doit être progressif, en informant le patient du risque de rechutes. « Mais les patients psychotiques sont pris en charge de plus en plus tôt, ce qui amène à se poser la question de savoir si on ne pourrait pas se passer de neuroleptiques lors du PEP, d’autant que bien des patients sont assez réticents vis-à-vis de ces molécules », s’interroge le Pr Philippe Conus, Université de Lausanne.
Des études difficiles à mener
Plusieurs études ont montré l’intérêt des approches non pharmacologiques mais elles souffrent de nombreux biais et, pour des raisons éthiques, il y a très peu d’essais menés avec les neuroleptiques versus placebo dans ce contexte. Une étude de dossiers australienne montre que l’évolution est plutôt moins bonne sur le plan symptomatique ou fonctionnel chez les personnes qui ont refusé les traitements, mais celles-ci ont probablement un profil clinique différent. Par ailleurs une proportion non négligeable de patients qui ne prennent pas de traitement évoluent favorablement.
En défaveur des traitements pharmacologiques, leurs effets secondaires et leurs éventuelles conséquences délétères sur le cerveau à long terme… À comparer à la toxicité d’une psychose active sur le plan cérébral. « On manque de données solides pour affirmer que retarder l’introduction d’un traitement neuroleptique lors d’un PEP est potentiellement négatif. L’interdiction catégorique de conduire ce genre de recherche devrait être remise en question » souligne le psychiatre. Une étude est en cours pour repérer les PEP susceptibles de bien évoluer sans neuroleptiques mais elle fait face à de grandes difficultés à recruter.
La question du maintien après rémission
La question se pose de manière identique pour le traitement de maintien après la rémission. Dans une étude, ceux qui ont interrompu ou diminué le traitement auraient une meilleure évolution fonctionnelle. Mais, là encore, est-ce dû à l’arrêt du traitement ou au profil clinique des patients ? Et une autre étude montre que l’interruption prématurée du traitement dans les 18 mois après la rémission s’associe à 5 fois plus de rechutes et un délai plus long avant disparition des symptômes.
Il semble que les personnes dont le début de maladie a été brutal, qui ont bénéficié d’une médication stable en début de traitement, n’ont pas de comorbidités ni d’abus de substances associées, pourraient bénéficier d’un traitement de maintien plus court. En fait c’est bien souvent le patient qui choisit de poursuivre ou non le traitement ! « Il faut aussi savoir écouter les commentaires de nos patients sur leur qualité de vie et leur vécu subjectif, bon nombre d'entre eux se plaignant d’un émoussement de leurs émotions et de leurs sentiments sous traitement », rappelle le psychiatre.
Session « Psychotique un jour, antipsychotique toujours ? »
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