La médecine d’urgence (MU) n’a acquis ses lettres de noblesse que très récemment, à la fois en tant que spécialité universitaire et comme discipline médicale à part entière auprès de l’ordre des médecins, avec la création d’un DES de médecine d’urgence. Comme toute spécialité médicale, elle se définit par son périmètre dans le soin, dans l’enseignement, mais aussi dans la recherche, en particulier la recherche clinique, avec des essais de phases III ou IV portant sur des médicaments, des dispositifs médicaux ou des stratégies de prise en charge. Un bon nombre de ces recherches sont issues de programmes hospitaliers de recherche clinique nationaux ou internationaux financés par l’Assurance-maladie via la direction générale de l’Offre de soins.
La MU offre divers avantages pour la recherche clinique. Le premier, le flux de patients : plusieurs millions chaque année sont vus dans ses structures. Elle constitue donc un formidable observatoire de la santé publique, y compris pour des pathologies rares. Deuxième grand intérêt, ses recherches intéressent beaucoup de problématiques essentielles de la santé publique, puisqu’elles portent sur des critères d’évaluation majeurs, comme la mortalité. « Il est relativement facile d’inclure des patients dans les essais en médecine d’urgence, la loi Jardé, dernière version de la loi Huriet, ayant placé la situation d’urgence vitale comme dérogatoire au consentement préalable, impossible à obtenir en pratique », explique le Pr Frédéric Adnet (Bobigny).
Des publications internationales
La recherche en MU en France a fait ses preuves : ses équipes sont reconnues internationalement, et publient des articles de qualité. Parmi les thèmes les plus récents, des études sur l’arrêt cardiaque, l’embolie pulmonaire ou le sepsis (lire l’encadré). Autre grand domaine, la recherche qualitative, avec dernièrement un article sur le site du JAMA Internal Medicine montrant que des cross-checking (contrôles croisés) systématiques entre plusieurs médecins diminuaient le risque d’erreur de 40 % dans les services d’urgence (2).
De nombreux travaux portent sur la douleur, notamment, très récemment, dans l’infarctus du myocarde : EpiDoulTho a comparé différents antalgiques et montré la supériorité de la morphine sur les autres molécules. Dernièrement, EpiSignAVC a recensé pendant 48 heures les AVC vus aux urgences afin d’établir un instantané de la situation et de la prise en charge par les urgentistes et d’envisager des stratégies d’amélioration. Autre grand axe de recherche, la régulation médicale : des études ont évalué par exemple l’apport du conseil médical dans la réponse aux demandes d’urgence, ou l’intérêt de concentrer les appels d’urgence dans les maladies rares dans un centre spécifique.
« Nous voulons que la recherche en médecine d’urgence atteigne le haut niveau des autres spécialités afin d’obtenir une bonne visibilité auprès des médecins. Nous sommes encore dans l’organisation des réseaux de recherche clinique, et un nombre de plus en plus grand d’urgentistes et de services de MU participent au recrutement des patients dans des essais multicentriques. C’est un des rôles de la SFMU que de fédérer et de financer ces recherches », conclut l’urgentiste.
Entretien avec le Pr Frédéric Adnet, chef du service des urgences de l’hôpital Avicenne (Bobigny)
(1) https://afmu.revuesonline.com/
(2) doi:10.1001/jamainternmed.2018.0607
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