L’agressivité verbale est fréquente lors des appels au Centre 15, mais il s’agit souvent d’une phase de début, qui témoigne de l’angoisse de l’appelant. Elle est bien souvent le fait de l’entourage de la personne nécessitant des soins, qui se sent impuissant et voudrait une réponse immédiate. Le temps d’attente au téléphone, le passage par plusieurs interlocuteurs, pompiers ou SOS médecins, assistant de régulation médicale puis médecin régulateur, donnent le sentiment d’être incompris.
Pour évaluer l’agressivité, « il faut, comme aime à le dire la Dr Catherine Pradeau, responsable de la plateforme de régulation médicale du Samu 33 à Bordeaux, voir avec ses oreilles » : être à l’écoute des intonations, du volume et du débit de la voix, du rythme respiratoire autant que du discours.
Jouer avec la communication paraverbale
Le médecin régulateur doit éviter de faire répéter son histoire à l’appelant, mais plutôt la lui faire reformuler (« Vous m’appelez bien pour… ») en lui demandant des précisions et en lui expliquant que c’est la procédure. L’enjeu est de bien distinguer les demandes de l’appelant (le Smur, un médecin) de ses besoins réels – il suffit parfois d’écouter et de rassurer pour y répondre. Globalement, le dialogue doit être dominé par l’empathie, l’absence de jugement ou de rapports de pouvoir, les marques d’intérêt pour la personne qui appelle.
Pour que l’appelant ne se sente ni agressé ni pris de haut, mais compris et pris en considération, le médecin doit calquer son volume et son débit vocaux sur les siens, qu’il peut tenter de faire baisser progressivement si nécessaire. Mais cela ne fonctionne pas toujours. Dans ce cas, il peut adopter un ton au-dessus ou au-dessous, qui déstabilisera l’appelant et pourra désamorcer son agressivité, ramenant peu à peu une certaine sérénité dans le dialogue. Il est essentiel de ne pas interrompre la communication, en sachant la passer à un autre médecin régulateur, ou en envoyant les secours. « Il ne faut pas camper sur ses positions, le doute doit bénéficier au patient », insiste l’urgentiste.
On pourrait certainement progresser ; la formation mériterait d’être plus centrée sur la communication et la gestion des équipes, afin que leurs membres sachent repérer, en salle de régulation, ceux qui ont besoin de soutien ou d’une pause après un appel difficile. Le risque, après une communication tendue, est que les appelants suivants perçoivent une certaine agressivité chez leur interlocuteur.
Entretien avec la Dr Catherine Pradeau, responsable de la plateforme de régulation médicale du Samu 33 (Bordeaux) Samu de France. Guide d’aide à la régulation au Samu Centre 15, SFEM éd., 2004, 397 p. HAS. « Stratégies de désamorçage de situations à risque de violence », Outil pour l’amélioration des pratiques, no 5, HAS, 2016, en ligne : www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2016-10/outil_05_d…
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