On imagine difficilement en métropole à quel point un ouragan, qu’accompagne souvent une montée du niveau de la mer, pénétrant jusque loin dans les terres, peut désorganiser une société. Par exemple, après Irma, à Saint-Martin, presque toutes les communications ont été rompues, les routes rendues impraticables, les cabinets de médecine libérale détruits, l’hôpital endommagé ; il n’y avait plus de pharmacie, et seul le grossiste en médicaments a été épargné. Quasiment toute la logistique a dû être importée, et il a fallu sécuriser au plus vite l’aéroport et le port autonome.
Si, dans les Antilles françaises, ces phénomènes cycloniques sont dévastateurs sur le plan écologique et pour le bâti, ils font relativement peu de victimes. Depuis Hugo en 1989, la Guadeloupe a bénéficié de plans de reconstruction et d’amélioration de l’habitat, et peu à peu les constructions précaires disparaissent. De plus, la population respecte relativement bien les consignes de confinement. Par contre, dans les autres îles caraïbes, les dégâts matériels mais surtout humains sont toujours considérables, les normes de construction n’étant pas toujours respectées.
Outre les dommages directs provoqués par l’ouragan, il faut tenir compte du risque épidémique lié à l’interruption de la distribution d’eau potable, aux eaux stagnantes propices à l’émergence de maladies vectorielles, aux rongeurs qui peuvent se multiplier rapidement en l’absence de traitement rapide des déchets. Les forts courants marins accompagnant les ouragans entraînent également des modifications des écosystèmes coralliens qui favorisent la ciguatera, une intoxication alimentaire par les chairs de poissons contaminés par une microalgue.
Anticiper les besoins
Dans des situations de ce type, les personnels des urgences sur place s’épuisent rapidement, d’autant que certains n’ont plus de toit – difficile de tenir plus d’une semaine dans ces conditions. « Nous devons avoir le réflexe d’appeler à l’aide avant d’être totalement submergés. Par ailleurs, il faut au niveau central anticiper les besoins, puisque nos effectifs, limités, sont très fortement sollicités dans ce genre de catastrophes, explique le Dr Patrick Portecop, chef du Samu du CHU de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Nous pouvons compter sur les renforts venant d’une zone de défense, Antilles ou Guyane, puis de la métropole ou d’Europe. L’aide se fait plutôt des Antilles françaises vers les autres îles des Caraïbes. Mais il a été très compliqué par exemple d’aller à la Dominique, qui avait subi Maria de plein fouet, car nous étions déjà très mobilisés sur la Guadeloupe et les îles du Nord. Par ailleurs, les moyens de coopération ne sont plus les mêmes que par le passé. »
« À l’approche de la nouvelle saison cyclonique, poursuit l’urgentiste, nous craignons de nouveaux phénomènes dévastateurs en Guadeloupe, où la situation a été assombrie par l’incendie survenu au CHU de Pointe-à-Pitre, véritable traumatisme pour la société guadeloupéenne. L’état de nos structures sanitaires est actuellement préoccupant, et nous impose d’adapter les plans de secours et d’évaluer nos seuils de capacité. »
Former les personnels hexagonaux
« Il serait bénéfique pour nos confrères arrivant de métropole soit d’organiser des cycles de formation soit de rédiger un document ou un diaporama pédagogiques à remettre comme une trousse à outils avant le départ. Il est impératif que les renforts sanitaires soient informés des difficultés qu’ils rencontreront : conditions précaires d’hébergement, communications aléatoires… Nous souhaiterions pouvoir venir témoigner en amont, par exemple devant les réservistes de Santé publique France. Notre expérience pourrait aussi servir en Europe, en proie à des phénomènes de plus en plus violents et de plus en plus fréquents », conclut l’urgentiste.
Entretien avec le Dr Patrick Portecop, chef du Samu du CHU de Pointe-à-Pitre
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