LA VIE est rude dans le désert arctique. Jusqu’à -50°C l’hiver. Des espaces gigantesques, peuplés de nomades vivant de la chasse et de la pêche. Le renne sert à tout : à se nourrir, à fabriquer le tchoum, la tente traditionnelle, à confectionner les vêtements.
Pour recevoir des soins, c’est toute une histoire. Le premier dispensaire est à plusieurs jours de route, lorsque celle-ci est praticable. La médecine chamanique, encore très présente, s’est vite révélée impuissante face à l’alcoolisme galopant, la tuberculose récemment apparue, et la vague de suicides liée au chômage et au recul du mode de vie traditionnel.
Médecins du monde a lancé un projet pilote de santé communautaire dans le district autonome Nénètse, après une expédition transsibérienne en 1993. Des médecins français ont formé des agents de santé au sein des « brigades », un terme hérité de l’époque soviétique qui qualifie les familles se déplaçant dans la toundra. « Il s’agit d’éleveurs de rennes ou de femmes travaillant au tchoum, sachant lire, écrire et compter pour ne pas se tromper dans les prescriptions, et ayant appris à reconnaître les signes de gravité, raconte Julia Krikorian, la coordinatrice de Médecins du monde en Russie. Chaque agent dispose d’une mallette avec le matériel et les médicaments pour les premiers soins, et d’un téléphone satellite pour contacter l’hôpital en cas d’urgence ». Le projet a permis de limiter la mortalité pédiatrique et maternelle. Les accouchements dans la toundra, faute d’avoir repéré le terme de la grossesse à temps pour appeler un hélicoptère, sont devenus rares. Et la mortalité liée à la consommation d’alcool - 400 000 morts par an en Russie - est en recul chez les Nénètses.
Médecins du monde, progressivement, passe la main à une association médicale russe. D’autres régions reprennent la méthodologie, tandis que se développe un nouveau projet visant à prévenir le syndrome de l’alcoolisation fœtale, grâce à la sensibilisation des médecins et des travailleurs sociaux. De 6 % à 9 % des enfants russes vivant en orphelinat seraient touchés par le SAF. 95,6 % des femmes envisageant une grossesse à court terme consomment de l’alcool. « Les risques liés à l’alcool sur le développement du cerveau de l’enfant sont très peu connus, y compris par les autorités sanitaires au plus haut niveau », expose la coordinatrice de Médecins du monde.
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