« Les maîtres de stage des universités (MSU) s’engagent à ne pas recevoir de représentants de l’industrie pharmaceutique en présence d’un interne. » Concoctée par les représentants des enseignants et des internes de médecine générale, la nouvelle charte des maîtres de stage présentée en novembre dernier lors du congrès du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) comprend cette ajout important, essentiel aux yeux des internes. « Des travaux ont montré que les visiteurs médicaux délivrent presque exclusivement de la publicité. Cela n’apporte rien en termes de formation et le MSU prend très rarement le temps de débriefer, de critiquer de manière scientifique avec nous cette visite », justifie Gabriel Perraud, secrétaire général de l’Isnar-IMG. Il leur manque d’après lui une formation spécifique.
Pourtant, le bien-fondé de cette nouvelle “directive” ne coule pas de source pour tout le monde. Lors du congrès du CNGE à Tours, elle avait animé des débats avec certains MSU circonspects. « Il est normal qu’une mesure nouvelle fasse discuter, estime le Dr Anas Taha, président du Syndicat des enseignants en médecine générale. Mais après discussion, les intervenants ont reconnu unanimement que la réception des visiteurs en présence des stagiaires posait des problèmes déontologiques. » Cette évolution est un « gage de qualité » d’une spécialité encore parfois décriée à l’hôpital, ajoute le Dr Taha.
L’illusion d’invulnérabilité
Pourtant, une part importante de la profession ne remet pas forcément en cause cette pratique. 65 % des 200 répondants (généralistes mais aussi internes) à une enquête en ligne sur legeneraliste.fr pensent que les MSU doivent pouvoir recevoir les visiteurs médicaux en présence des stagiaires. « Je montre tout ce qui fait l'activité d'un généraliste. Le développement de leur sens critique est à la base de leur construction. Je leur transmets mes modestes connaissances mais pour la morale, ils verront eux-mêmes », estime par exemple le Dr Dominique B.
« Pour certains, ces liens ne posent pas de problème car ils ne signifient pas forcément que l’on est sous influence, explique le Dr Marco Romero, enseignant de médecine générale à Bordeaux. Mais toutes les études prouvent le contraire. C’est ce qu’on appelle l’illusion unique d’invulnérabilité », qui pousse à se croire incorruptible, contrairement aux autres.
Cette ligne de fracture persistante dans la profession est compréhensible pour le Dr Marie Brosset : « Chaque médecin a une éthique et espère soigner correctement ses patients. Si après toute une carrière à avoir fonctionné d’une certaine manière, on vous explique d’un coup que vous êtes influencé, c’est une remise en cause difficile. Quand bien même vous vous sentez préparé à recevoir un regard critique », estime la vice-présidente de ReAGJIR.
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