« Les jeunes consultent un médecin environ deux fois par an : dans 70 % des cas, ils s'adressent au généraliste. La plupart du temps, ces consultations sont dédiées aux examens systématiques (vaccination, prévention, contraception…) ou au traitement de pathologies saisonnières », affirme la Dr Marie Morelière, médecin généraliste à Poissy. Le généraliste n'a donc pas beaucoup d'occasions de croiser les adolescents dans son cabinet. Au-delà du motif initial de consultation, il doit profiter de l'échange avec le jeune pour évaluer la question de son bien-être. « Des travaux récents montrent que 87 % des adolescents ayant commis un suicide ont vu le généraliste le mois précédant cet acte », regrette la Dr Morelière. Ce médecin est donc en première ligne pour repérer le mal-être des adolescents.
Les accidents et le suicide sont les deux premières causes de décès chez les jeunes. D'autres éléments peuvent favoriser un mal-être qui se chronicise : addictions, troubles du comportement alimentaire (TCA), infections sexuelles transmissibles, grossesses non désirées, abus sexuels, harcèlement… « Par ailleurs, le généraliste ne doit pas négliger les plaintes psychosomatiques récurrentes. Si un enfant consulte tous les 15 jours pour des maux de ventre, de tête et/ou de dos, sans cause organique identifiée, cela doit alerter le médecin », souligne la Dr Morelière.
Une consultation en trois temps
Le repérage du mal-être et des troubles psychiques de l'adolescent peuvent être effectués en cabinet de ville, de façon méthodique. Ce type de consultation doit, dans l'idéal, se dérouler en trois temps. « Il faut toujours recevoir l'adolescent avec son (ses) parent(s), dans un premier temps. Cinq minutes suffisent souvent pour poser le problème et demander à l'adolescent d'exposer les raisons pour lesquelles il vient consulter son médecin. Ensuite, il faut demander aux parents de sortir du cabinet et expliquer au jeune qu'il a le droit au secret médical. En fin de consultation, une synthèse doit être effectuée avec les parents », indique la Dr Morelière.
Le colloque singulier entre le généraliste et l'adolescent (sans la présence parentale) est le moment adéquat pour examiner le jeune et vérifier sa croissance et son IMC. Cet échange doit aussi permettre d'élargir l'interrogatoire. Le généraliste doit alors faire preuve d'écoute et mettre le jeune en confiance. « Il ne doit pas hésiter à questionner l'adolescent sur ses attentes vis-à-vis de la consultation. Il doit également l'interroger sur son bien-être, en lui posant une question simple telle que "comment va ton moral ?". Cette question étonne souvent le jeune mais, au final, elle l'aide à se confier sur les éventuelles difficultés qu'il rencontre dans sa vie familiale, amicale et scolaire », assure la Dr Morelière.
Plusieurs outils peuvent aider le médecin à aborder des sujets d'ordre personnel. Outre la mesure de l'IMC, le généraliste peut effectuer un arbre généalogique. Cet outil lui permettra de mieux comprendre le fonctionnement et les difficultés que l'adolescent rencontre avec sa famille. Le généraliste peut, en outre, fournir des fascicules informatifs sur tous types de thématiques (sexualité, IST, harcèlement, addictions…).
Un suivi est nécessaire
Le dernier temps de la consultation de l'adolescent est celui de la synthèse, effectuée en présence des parents. « Il faut toujours faire entrer, à nouveau, les parents dans le cabinet pour faire le point. Le secret médical doit être respecté. Mais il a des limites : si l'adolescent avoue en consultation avoir été victime d'évènements graves (viol, harcèlement…) ou s'il existe un risque suicidaire, les parents devront en être informés », précise la Dr Morelière.
Au moindre doute sur le bien-être et/ou la santé mentale de l'adolescent, le généraliste doit proposer un deuxième rendez-vous. « Si le jeune a perdu tout lien social et qu'il s'enferme chez lui, le généraliste doit se déplacer à domicile et orienter, si besoin, vers un spécialiste. Enfin, il doit continuer à suivre l'adolescent, même s'il n'est pas le médecin qui le soigne pour sa pathologie (dans le cadre d'une maladie psychiatrique, par exemple). Il doit ainsi rester en contact avec tous les professionnels de santé qui gravitent autour de son patient », préconise la Dr Morelière.
Session « Un adolescent peut en cacher un autre : mieux le comprendre pour bien l’accompagner », coorganisée avec Santé publique France
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