LIVRES - Sur le voyage

L’ailleurs des romanciers

Publié le 10/05/2011
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Lieux et rencontres

Francois Simon n’y va pas par quatre chemins : « Pars ! Voyager est un sentiment » (1) est un recueil de quinze courts récits qui évoquent autant de lieux dans le monde où l’a conduit sa profession de grand reporter. Mais les faits, les événements ne sont pas tout ce qui l’intéresse. Il voyage aussi dans sa tête et, parce que, pour lui, la vie est un maillage de rencontres, il associe chaque destination à un écrivain, un artiste, un chanteur. C’est ainsi que se répondent Céline et New York, Susan Sontag et Istanbul, John Lennon et un village japonais, etc.

Pour ses parents

De Sylvie Germain, on sait la beauté à la fois puissante et poétique de l’écriture (prix Femina pour « Jours de colère », grand prix Jean Giono pour « Tobie des Marais », prix Goncourt des lycéens pour « Magnus »…). Dans « le Monde sans vous » (2), elle nous offre deux voyages dans le temps et dans l’espace qui sont un hommage à ses deux parents disparus. Dans « Kaléidoscope », la romancière se souvient de son père, un homme tout de douceur et de bonté qui a gardé toute sa vie l’amour d’un désert qu’il n’a jamais foulé et qui fut un inestimable « passeur d’enfance et de mémoire, passeur de mots et de regard ». Dans « Variations sibériennes », elle évoque un voyage dans le Transsibérien juste après la mort de sa mère. En route vers Vladivostok, elle convie des poètes – Pasternak, Akhmatova, Cendrars, Mandelstam et autres – mais aussi des légendes et des contes issus de ces espaces infinis, comme un accompagnement sur son chemin du deuil.

Un Extrême-Orient russe

Vladivostok est justement la destination finale de Cédric Gras, lorsque, jeune géographe, il est chargé d’y créer une Alliance française. Il avait déjà auparavant beaucoup voyagé et il est arrivé avec un bout du monde fantasmé. Déception. Au lieu d’une ville soumise au froid sibérien, il découvre une cité portuaire située à la même latitude que Marseille mais qui lui semble comme « un marais à l’eau salée et à l’air vicié ». Il en est parti quatre années plus tard et il parle aujourd’hui d’une « vraie révélation », qu’il nous fait partager dans un très beau témoignage au fil des saisons, « Vladivostok neiges et moussons » (3). Beaucoup plus qu’un récit de voyage, ce livre apporte, ainsi que l’a souligné l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson dans une préface, « sa révélation au mystère de l’identité ».

L’Afghanistan magnifique et tragique.

Ancien professeur de français à Kaboul, Isabelle Delloye a déjà écrit un premier ouvrage sur son pays de cœur, « Femmes d’Afghanistan ». Elle nous permet aujourd’hui d’entrer plus avant dans le passé culturel comme dans ses maux présents avec un roman éminemment poétique, « le Jardin d’Hadji Baba » (4). Il a pour thème le voyage initiatique d’un jeune homme en Occident, après la mort de son maître Hadji Baba, figure de la culture persane qui lui avait enseigné tout son précieux savoir. De Paris, à l’Angleterre, la Suisse ou encore les États-Unis, tiraillé entre ses souvenirs et la découverte, au sein de la diaspora afghane, du monde occidental, il avance entre douleur du déracinement et optimisme infaillible.

L’Éthiopie et plus

Riche d’une vingtaine d’ouvrages, l’œuvre de Corinne Desarzens, journaliste de profession, correspondante de « la Tribune de Genève » à New York, se caractérise notamment par sa capacité à mêler le concret et l’imaginaire. Son dernier roman, « Un roi » (5), est une nouvelle illustration de cette souplesse à passer d’un registre à l’autre. La narratrice est une femme qui mène une vie ordinaire près de Genève à côté d’un mari absent et de trois enfants maintenant grands. Elle n’explique pas pourquoi elle a rejoint les bénévoles qui se battent pour aider les sans-papiers, ceux qu’en Suisse on nomme les « requérants ». Et elle ne s’explique pas pourquoi elle est tombée follement amoureuse de l’un de ces parias, un jeune Éthiopien. À cette partie de l’histoire où Corinne Desarzens dévoile l’injustice et la mauvaise foi d’une administration butée ainsi que les tentatives de femmes et d’hommes de bonne volonté d’adoucir le sort des malheureux, succède un récit de voyage en Éthiopie. Récit d’une passion inhabituelle, exposition d’une situation politique et sociale désastreuse, découverte d’un pays en profondeur, le tout accompagné de réminiscences littéraires et poétiques : l’originalité dans toute sa splendeur.

Sur le sol irlandais

Consacré par le prix Femina étranger en 2004 pour « Sang impur », Hugo Hamilton donne avec « Je ne suis pas d’ici » (6), le portrait cocasse d’un émigré sur le sol irlandais, à la fois un tableau social et une réflexion sur l’étranger, la place qui lui est faite et la honte qui l’accompagne. Le voyage, pour Vid Cosic, jeune Serbe de Belgrade, s’est arrêté à Dublin. Il est charpentier et plein de bonne volonté, aimable et prêt à rendre service et l’avenir semble lui sourire quand il fait la connaissance de Kevin Concannon, un avocat qui scelle leur amitié dans l’alcool et l’introduit dans sa maison de famille. Sa naïveté et son ignorance des codes locaux vont malheureusement lui faire bientôt regretter d’être tombé sur le mauvais bougre !

Dans le silence de la Suède

Après plusieurs pièces de théâtre et un recueil de nouvelles, « Un silence de clairière » (7) est le premier roman de David Thomas. Il décrit la recherche initiatique d’Adrien Lipnitsky, le prototype de l’écrivain qui, malgré des rêveries hebdomadaires chez un psy, n’arrive plus à écrire. Il se donne comme raison et prétexte de départ, de rechercher son frère dont on n’a plus de nouvelles depuis plus un an. Sa tête est pleine de ce frère aîné qu’il n’a jamais bien connu, car trop souvent ailleurs, alors il n’hésite pas à troquer les trottoirs de Paris contre l’immensité de la nature. Ou plutôt il se fait violence. Car ses recherches le conduisent dans une vaste forêt de Suède où l’homme se fait plus rare que les animaux. Et à mesure qu’il s’enfonce dans le silence, il se retrouve face à lui-même pour, peut-être, se retrouver.

(1) Robert Laffont, 244 p., 19 euros.

(2) Albin Michel, 131 p., 12,50 euros.

(3) Phébus, 196 p., 17 euros.

(4) Héloïse d’Ormesson, 216 p., 18 euros.

(5) Grasset, 299 p.,, 18 euros.

(6) Phébus, 277 p., 20 euros.

(7) Albin Michel, 174 p., 15 euros.

MARTINE FRENEUIL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8959