LE QUOTIDIEN : Quel rôle politique une société savante peut-elle jouer pour sa spécialité ?
DR AGNÈS RICARD-HIBON : Le scientifique, l’enseignement et la recherche restent le cœur des préoccupations de la société française de médecine d’urgence (SFMU). Mais ces éléments scientifiques pour améliorer les pratiques sont aussi susceptibles d’éclairer les décisions politiques. Nous travaillons sur certains dossiers techniques qui viennent en appui des réflexions des tutelles et ministères.
La SFMU se prononce ainsi, avec la Fédération des observatoires régionaux des urgences (Fedoru), sur le dossier de la gradation de l’offre de soins et de la restructuration des urgences. Notre but est que celle-ci apporte une plus-value en termes d’amélioration des filières de soins et de la qualité de prise en charge des patients.
La promotion de la spécialité de médecine d’urgence est aussi un enjeu majeur pour notre société et la SFMU multiplie les actions envers nos jeunes collègues dans le cadre de la réforme de l’internat. Lors de notre congrès annuel qui s’ouvrira le 5 juin prochain, une journée leur est offerte avec un programme dédié. Nous avons créé l’an passé une commission « jeunes », très active et pleine d’idées.
À l’avenir, l’intelligence artificielle pourrait arriver aux urgences, que ce soit au niveau de la régulation médicale ou de l’accueil infirmier, pour mieux identifier et prioriser les patients ayant besoin d’une prise en charge la plus adaptée possible. Il est encore tôt pour dire comment elle sera exploitée, mais nous avons des cohortes très importantes de patients et, par conséquent, de nombreuses données cliniques exploitables. En termes d’information, c’est une vraie mine d’or.
Comment améliorer les parcours de soins, alors que l’activité augmente continuellement aux urgences ?
En effet nous n’arrivons pas à enrayer cette évolution. Il faut donc nous adapter. Cela passe entre autres par une amélioration de la fluidité des parcours de soins des patients valides, en essayant de mieux utiliser la ressource rare et chère que sont les médecins généralistes en ville dédiés aux soins non programmés. Quant à la prise en charge des sujets âgés aux urgences, elle suppose aussi une réflexion plus large sur l’amont, du maintien à domicile au virage ambulatoire.
Le renforcement de la qualité et la sécurité de la régulation médicale au SAMU-Centre 15, pour adresser le « bon patient au bon endroit au bon moment » est un impératif majeur. Nous avons réactualisé le guide de la régulation médicale, qui est le référentiel scientifique en la matière. Samu Urgences de France mène de son côté un gros travail sur la déclaration et l’analyse des événements indésirables graves ou associés aux soins, afin d’améliorer les pratiques. Nous travaillons aussi avec la Haute Autorité de Santé, pour promouvoir le programme d’amélioration continue du travail en équipe, c’est le projet Pacte. Déjà mis en œuvre dans le 95 depuis 2015, il vise notamment à améliorer la communication au sein des équipes, ce qui est crucial dans nos pratiques médicales au quotidien.
Après l’affaire Naomi, quelle sera la formation des assistants de régulation médicale ?
Dès la rentrée prochaine, sur incitation forte de la ministre Agnès Buzyn, nous devrions pouvoir mettre en place une formation diplômante d’un an qui sera délivrée par des instituts de formation. Elle sera à la fois pratique et théorique avec des blocs de compétence à valider pour les nouveaux assistants de régulation médicale (ARM). Pour ceux déjà en poste, une formation continue diplômante prenant en compte leur ancienneté et leurs besoins sera élaborée.
Nous avons aussi soumis à la ministre des propositions issues des 11 grands débats citoyens organisés par Samu Urgences de France dans différentes villes de France. Sur le numéro unique, les discussions sont en cours. Nous restons très attachés au traitement des appels, dès le décroché, par du personnel qualifié en santé.
Quelles évolutions tirez-vous de l’expérience des attentats de 2015 ?
L’amélioration des pratiques pour la prise en charge des blessés par armes de guerre est devenue un sujet important. Plus que jamais, on doit tendre vers l’objectif du « zéro décès évitable » et pour y parvenir, nous travaillons en lien étroit avec les militaires dont l’expertise est évidemment très forte dans ce domaine.
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Dr Agnès Ricard-Hibon (SFMU) : « Il nous faut nous adapter à l’augmentation continue de l’activité aux urgences »
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