Le vitiligo est une maladie d’origine auto-immune qui se caractérise par une dépigmentation acquise de la peau et des poils, en lien avec la perte des mélanocytes. Il est fréquent (de 0,5 % à 2 % de la population dans le monde, 1,3 % en Europe) et débute, dans 80 % des cas, avant l’âge de 30 ans. S’il ne s’agit pas d’une maladie sévère, elle n'en est pas moins responsable d’un fort retentissement sur la qualité de vie, affectant la vie professionnelle, sociale et sexuelle. Les enquêtes montrent que son retentissement psychologique est comparable à celui de la dépression et de certains cancers en Europe.
Pourtant, trop souvent, les personnes atteintes de vitiligo se voient répondre par leur médecin qu’il n’y a rien à faire pour les soigner, selon une étude non encore publiée. Ce serait le cas pour près de sept patients sur dix en Europe (76 % en France).
Des stratégies efficaces validées
Or, il existe aujourd’hui des stratégies thérapeutiques efficaces, validées par des études cliniques, qui permettent d’améliorer 70 % des patients. Et ces stratégies pourraient évoluer, grâce aux progrès réalisés dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie, qui ont permis de développer de nouvelles thérapeutiques plus spécifiques. L’arsenal de médicaments pourrait donc prochainement s’élargir, tout d’abord avec l’arrivée d’un premier traitement anti-JAK par voie topique, autorisé aux États-Unis depuis l’été dernier.
Comme l’a rappelé le Pr Thierry Passeron, le traitement du vitiligo poursuit trois objectifs : stopper la perte mélanocytaire, induire la différenciation et la prolifération des mélanocytes — processus long qui nécessite de 6 à 24 mois de traitement — et enfin prévenir les récidives. En cas de poussée active de la maladie, reconnaissable cliniquement, un traitement associant mini-pulses de corticoïdes oraux et photothérapie est proposé, avec une efficacité de 90 %. Puis, pour obtenir la repigmentation, les stratégies actuelles combinent dermocorticoïdes (sur le corps) ou tacrolimus (sur le visage) en topiques et exposition au soleil d’avril à octobre ou photothérapie. Elles permettent d’obtenir une repigmentation complète ou quasi complète dans de 70 à 80 % des cas sur le visage, dans 50 % des cas sur le corps, dans 30 % des cas sur les saillies osseuses. La repigmentation reste malheureusement exceptionnelle au niveau des extrémités. Il s’agit d’un traitement long, dont l’efficacité ne peut être évaluée avant au moins 6 mois.
L’exposition au soleil (sans protection, jusqu’à ce que la peau devienne rose), trop souvent déconseillée à tort, doit au contraire être encouragée chez ces patients dont le risque de mélanome est trois fois moindre que dans la population générale.
Un traitement d’appoint à base de superoxyde dismutase gastroprotégée (glisodine), qui a fait ses preuves dans une étude prospective contre placebo en association à la photothérapie, peut être proposé pour favoriser la repigmentation.
Une fois la repigmentation obtenue, une prévention des récidives est possible, en poursuivant le traitement topique à doses réduites et/ou la photothérapie également à dose réduite, selon l’étendue des lésions.
Plus de la moitié des patients améliorés
Ces stratégies vont certainement évoluer avec l’arrivée d’autres traitements plus spécifiques, dont le premier représentant est un anti-JAK en crème, le ruxolitinib. Son efficacité dans le vitiligo non segmentaire a été démontrée en monothérapie dans deux essais cliniques menés chez plus de 650 patients de plus de 12 ans. Après un an de traitement au niveau du visage, une amélioration de plus de 75 % a été rapportée chez plus de la moitié des patients ; elle a été de plus de 90 % dans 30 % des cas.
Au niveau du corps, les résultats sont un peu moins bons, mais la moitié des patients ont été améliorés de plus de 50 %. Le traitement présente l’avantage d’être facile à appliquer et globalement bien toléré (exception faite d’une « acné » qu’il faudra apprendre à gérer). Une AMM européenne est attendue en 2023. D’autres traitements sont en développement, notamment d’autres anti-JAK par voie orale.
À noter, les inhibiteurs de JAK, qui ont un effet assez large, sont aussi en développement ou déjà autorisés en topique ou par voie orale, dans plusieurs autres maladies cutanées inflammatoires : la pelade, la dermatite atopique, le psoriasis, la maladie de Verneuil, le granulome annulaire et la sarcoïdose.
Exergue : Il faut stopper la perte mélanocytaire, induire la différenciation et la prolifération des mélanocytes puis enfin prévenir les récidives
Communications des Prs Thiery Passeron (Nice) et Julien Seneschal (Bordeaux)
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