Les dermatoses faciales, qu’il s’agisse de l’acné, de la rosacée et de la dermite séborrhéique, de localisations particulières de dermatoses comme l’eczéma atopique, la maladie de Verneuil, le psoriasis ou le vitiligo, ou encore de manifestations cutanées de maladies systémiques, telles que le lupus ou la sarcoïdose, ont pour point commun leur caractère affichant et leur retentissement parfois majeur sur la qualité de vie (lire encadré p. suivante). Elles peuvent également se heurter à des difficultés de prise en charge thérapeutique. Pour toutes ces raisons, un nouveau groupe thématique dédié, le groupe Defi, a vu le jour au sein de la Société française de dermatologie (SFD). Ce groupe vise à mettre en place des essais cliniques dans des situations particulières, notamment celles en impasse thérapeutique, à améliorer la diffusion des connaissances auprès des médecins et du grand public et à être force de proposition auprès des autorités.
Isotrétinoïne dans l’acné : des règles de prescription très encadrées
Pour les formes sévères d’acné, dermatose faciale la plus fréquente, qui touche quelque 80 % des adolescents, le seul traitement curatif est l’isotrétinoïne orale, dont la prescription initiale est réservée aux dermatologues.
Les règles d’utilisation de cette molécule, qui expose à un risque tératogène et potentiellement psychiatrique, ont été largement discutées lors du congrès, par suite d’un séminaire conjoint du groupe Defi et du Centre de preuves en dermatologie à ce sujet (1). « S’il n’existe pas de surrisque démontré de dépression à l’échelle de la population, l’administration d’isotrétinoïne peut, à l’échelle individuelle, être associée à un risque de dépression, de tentative de suicide, voire de suicide, rappelle la Pr Marie Beylot-Barry (CHU de Bordeaux), vice-présidente de la SFD en 2022 et secrétaire du groupe Defi. Cela ne remet pas en cause le rapport bénéfice-risque de la molécule mais nous insistons sur l’importance du recours aux échelles de dépistage de la dépression, telle que l’ADRS (adolescent depression rating scale) lors de l’initiation du traitement et de son renouvellement (2). »
Quant au risque tératogène, au-delà des risques malformatifs bien documentés, on sait aujourd’hui que l’exposition à ce traitement au cours de la grossesse peut, si elle est poursuivie, induire des troubles sévères de l’apprentissage, non dépistés à l’échographie (Ansm, mars 2021). « Il faut donc vraiment contrôler le risque de grossesse et savoir le cas échéant proposer une interruption médicale de grossesse », note la spécialiste.
Les rosacées qui échappent au traitement
L’isotrétinoïne a par ailleurs été évaluée dans les rosacées difficiles à traiter. Cette dermatose faciale d’évolution très chronique peut dans un premier temps répondre aux traitements classiques, topiques ou cyclines à petites doses en cures répétées, mais il y a souvent un phénomène d’échappement.
Les bons résultats obtenus avec l’isotrétinoïne orale à petites doses dans un essai clinique français, justifieraient de pouvoir proposer une prescription réglementée, qui est pour le moment hors AMM dans cette indication. Le nouveau cadre de la prescription compassionnelle pourrait le permettre. Le groupe Defi, en lien avec le Centre de preuves, pourra accompagner le Conseil national professionnel de dermatologie à porter cette demande (3).
L’acné dite tardive, qui touche de plus en plus de femmes âgées de plus de 25 ans, pose des problèmes spécifiques de prise en charge. Ces femmes sont souvent intolérantes aux traitements locaux et la chronicité de la dermatose limite de fait le recours aux traitements systémiques, tels que les cyclines ou l’isotrétinoïne, même si cette dernière, à petites doses comme pour la rosacée, montre de bons résultats dans l’expérience clinique. Une étude en cours, Fasce, évalue la spironolactone, parfois prescrite dans ce contexte, comparativement à la doxycycline (4). Les résultats sont attendus en 2023.
Une autre étude, qui va prochainement être mise en place sous l’égide du groupe Defi, porte sur les peaux de phototype foncé, plus sujettes à des lésions pigmentées cicatricielles précoces de l’acné et souvent sous-représentées dans les études et dans les recommandations des sociétés savantes. L’essai Ethnic va ainsi comparer, dans l’acné modérée, l’isotrétinoïne orale débutée précocement aux stratégies classiques.
Des atteintes mixtes mal caractérisées
Troisième dermatose faciale particulièrement fréquente, la dermite séborrhéique se traduit par des plaques rouges et squameuses des sourcils et du pourtour buccal. Une étude française a souligné les bénéfices d’un traitement topique par le tacrolimus pour prévenir les récidives (5). Il s’agit, là aussi, d’un traitement aujourd’hui hors AMM, dont l’administration dans ce contexte nécessite une régulation réglementaire.
Certaines prescriptions hors AMM pourraient être encadrées sous forme de prescriptions compassionnelles
Le groupe Defi a également en projet une étude visant à mieux caractériser les dermatoses mixtes du visage, associations d’une dermite séborrhéique et d’une rosacée, peu étudiées et de prise en charge mal codifiée. Il s’agit d’une étude prospective non interventionnelle, fondée sur un appel national à cas documentés (clinique et iconographie).
Entretien avec la Pr Marie Beylot-Barry, vice-présidente de la SFD en 2022, secrétaire du groupe Defi, cheffe du service de dermatologie du CHU de Bordeaux
(1) https://bit.ly/DiapoIsotretinoine
(2) Hefez L et al. Clin Exp Dermatol. 2022 Apr;47(4):709-16
(3) Sbidian E et al. J Invest Dermatol. 2016;136:1124-29
(4) Poinas A. et al. Trials 2020; 21(1): 571
(5) Joly P et al. J Am Acad Dermatol 2021 ; 84 : 1278-84
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