Présentés pour la première fois lors du congrès virtuel de la Société européenne de cardiologie, les résultats de l’étude Dapa-CKD ont été rediscutés lors du congrès de l’EASD, parallèlement à leur publication dans le Nejm (1).
Cet essai a évalué, comparativement à un placebo l’effet rénal et cardiovasculaire de la dapagliflozine (10 mg/jour) chez des patients ayant une maladie rénale chronique (MRC), avec ou sans diabète. Quelque 4 300 patients avaient été inclus, l’analyse a porté sur 2 142 patients du bras dapagliflozine et 2 147 du bras placebo. À l’inclusion, tous avaient un débit de filtration glomérulaire (DFG) compris entre 25 et 75 ml/min/1,73 m2, un rapport albuminurie/créatininurie compris entre 200 et 5 000 mg/g. Ils recevaient par ailleurs tous un traitement standard, comprenant, sauf contre-indication, un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine, à la dose maximale tolérée.
Réduction de 39 % du critère primaire combiné
L’essai a été interrompu prématurément en mars dernier sur les recommandations du comité de surveillance indépendant, en raison de la très nette supériorité de la dapagliflozine sur le placebo. En effet, après un suivi médian de 2,4 ans, le critère primaire d’évaluation, qui associait baisse d’au moins 50 % du DFG, insuffisance rénale terminale ou décès d’origine cardiovasculaire ou rénale, était réduit de 39 % (OR = 0,6 ; IC95 [0,51-0,72] ; p = 0,000000028). « Le nombre total de patients à traiter pour éviter un événement est seulement de 19, soit moins qu’avec les IEC et les ARA2 », a souligné le Pr Hiddo Heerspink (Pays-Bas), premier auteur de l’étude, lors de la présentation des résultats.
Le premier des critères secondaires d’évaluation, qui excluait les décès cardiovasculaires, est également significativement réduit de 44 % (OR = 0,56 ; IC95 [0,45-0,68] ; p = 0,000000018). Il en est de même pour le critère secondaire combinant des événements rénaux (dialyse, transplantation rénale, décès rénal) : OR = 0,66 ; IC95 [0,49-0,90] ; p = 0,0072.
Avec ou sans diabète
Ces bénéfices s’observent que les patients soient diabétiques (ce qui était le cas pour les deux-tiers d’entre eux dans chaque bras de traitement) ou non, et plus globalement dans tous les sous-groupes de patients qui avaient été préspécifiés (notamment selon l’âge, le sexe, le DFG, les valeurs tensionnelles ou le rapport albumine urinaire créatine).
Le traitement par la dapagliflozine s’est aussi accompagné d’une baisse de 29 % (OR = 0,71 ; IC95 [0,55-0,92] ; p = 0,0089) des événements cardiovasculaires (décès cardiovasculaire ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque), et de 31 % de la mortalité de toutes causes (OR = 0,69 ; IC95 [0,53-0,88] ; p = 0,0035), qui constituaient les deux autres critères secondaires d’évaluation.
Pas de signal pour la tolérance
La tolérance du traitement a bien sûr fait l’objet d’une surveillance étroite dans cette population de patients à haut risque. Les taux d’effets secondaires sévères et d’interruption de traitement pour effet indésirable ont été comparables dans les deux bras thérapeutiques. « Notamment, il n’y a pas eu de différence quant au taux d’amputation, aucun cas d’acidocétose n’a été rapporté chez les patients recevant de la dapagliflozine et il n’y a pas eu plus d’hypoglycémies majeures chez les sujets non diabétiques traités par dapagliflozine », a précisé le Pr Heerspink.
Ainsi, chez des patients ayant une maladie rénale chronique, protéinuriques, avec ou sans diabète, la dapagliflozine permet de réduire les événements rénaux, les décès cardiovasculaires, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et in fine de prolonger la survie. Des données qui pourraient faire évoluer les recommandations et les pratiques, alors qu’aujourd’hui en France, le traitement par inhibiteur du SGLT2 chez un patient diabétique ne doit pas être initié en cas de DFG < 60 ml/mn/1,73 m2.
EASD 2020. Session « Dapa-CKD : applying clinical evidence to clinical practice » (1) Heerspink HJL et al. N Engl J Med 2020; 383:1436-1446
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