Incroyable histoire que celle des inhibiteurs de SGLT2, dont la toute première représentant, la phloridzine, avait été isolée à partir de l’écorce d’un pommier par un chimiste français en 1835, a rappelé le Pr Bernard Zinman (Canada).
Les premières études, menées avec l’empagliflozine, la canagliflozine et la dapagliflozine, avaient souligné leur effet positif sur les facteurs de risque cardiovasculaire : réduction de l’HbA1c, du poids et de la pression artérielle systolique et diastolique. Puis les essais de sécurité cardiovasculaire, initiés à la demande de la Food and drug administration (FDA), ont non seulement confirmé leur sécurité, mais aussi leurs bénéfices. Ainsi, dans Empareg-Outcome, le premier essai publié, l’empagliflozine avait permis de réduire de 14 % le critère principal d’évaluation composite, de 38 % les décès cardiovasculaires, de 35 % les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de 39 % les critères d’évolution rénale péjorative.
Comme l’a résumé le Pr Darren McGuire (États-Unis), aujourd’hui, six essais cliniques ayant évalué quatre iSGLT2 ont confirmé leur sécurité cardiovasculaire et démontré leurs bénéfices sur un certain nombre de critères cardiovasculaires et rénaux. Les résultats des méta-analyses ont mis en évidence une hétérogénéité modérée au sein de cette classe de médicaments sur les événements cardiovasculaires majeurs et les décès cardiovasculaires. En revanche, les résultats sont très concordants quant à leur impact positif sur l’insuffisance cardiaque. Deux essais ont aussi démontré l’efficacité et la sécurité de la dapagliflozine et de l’empagliflozine dans le traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite. Des résultats qui ont conduit à changer les pratiques et les recommandations.
Quelles séquences thérapeutiques ?
« Les bénéfices cardiovasculaires et rénaux des iSGLT2 sont une bonne nouvelle, mais ils posent la question des séquences thérapeutiques », a souligné le Pr Silvio Inzucchi (États-Unis). Depuis leur introduction en 2015, en 2e ligne après la metformine, la place des iSGLT2 a évolué. En 2018, les recommandations de l’American diabetes association (ADA) et l’European association for the study of diabetes (EASD) ont invité à prendre en compte non plus seulement l’HbA1c, mais les comorbidités. En effet, comme les analogues du GLP 1, les iSGLT2 ont été préconisés préférentiellement aux autres classes d’antidiabétiques en cas de risque cardiovasculaire prédominant.
Puis, en 2019, ces deux sociétés savantes ont mis en avant le concept de patient à haut risque : en cas d’antécédents de maladie cardiovasculaire athéromateuse avérée, de maladie rénale chronique et d’insuffisance cardiaque, le traitement par iSGLT2 est ainsi envisagé indépendamment de l’HbA1c et des objectifs glycémiques.
Les cardiologues aussi
Toujours en 2019, l’European society of cardiology est allée encore plus loin, en proposant de prescrire en première intention une monothérapie par iSGLT2 ou analogues du GLP 1, chez les diabétiques naïfs de tout traitement et ayant une maladie cardiovasculaire athéromateuse ou à risque cardiovasculaire élevé à très élevé (atteinte des organes cibles, facteurs de risque cardiovasculaires multiples). Dans leur consensus de 2020, les experts de l’American college of cardiology vont dans le même sens.
« Il y a donc eu une évolution significative des recommandations en 25 ans. Nous sommes vraiment dans l’ère de l’evidence-based medicine, et de nombreux autres essais sont en cours », a rapporté le Pr Inzucchi. Parmi ces essais, deux portent sur des patients ayant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (Emperor-Preserved avec l’empagliflozine et Deliver avec la dapagliflozine). Une troisième, Empa-Kidney, évalue l’impact cardiovasculaire et rénal de l’empagliflozine chez des patients ayant une maladie rénale chronique. De vastes études donc, qui incluent quelque 6 000 patients chacune et qui devraient prendre fin en 2021 et 2022.
Des questions en suspens
L’histoire n’est donc pas finie, d’autant que de nombreuses questions restent en suspens. Quels sont les mécanismes sous-tendant ces bénéfices cardiovasculaires et rénaux des iSGLT2 ? Comment faire le choix entre un iSGLT2 et un analogue du GLP-1 chez un patient ayant une maladie cardiovasculaire athéromateuse, en l’absence d’insuffisance cardiaque ou rénale ? Est-ce que le type même l’atteinte athéromateuse compte (maladie coronaire, accident vasculaire cérébral ou maladie artérielle périphérique) ? Est-ce que les bénéfices de ces deux classes d’antidiabétiques sont additifs, voire synergiques ? Quelle place en prévention primaire ? Enfin… la metformine est-elle encore le traitement fondateur du diabète ?
EASD 2020. Symposium EASD/ESC : « The dawn of CV risk reduction in type 2 diabetes : 5 years of iSGLT2 CV outcome trials »
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