À l’heure de la médecine personnalisée, la question de l’effet du sexe ou du genre en médecine est une préoccupation importante. En matière de diabète, les données sur les différences liées au genre sont encore très parcellaires, mais celles sur les différences liées au sexe sont solides. Toutes les études épidémiologiques récentes convergent en effet pour souligner la nette prédominance du diabète chez les hommes. En France, la prévalence du diabète traité était, en 2019, de 6 % chez les hommes comparativement à 4,5 % chez les femmes, selon les chiffres de l’Assurance-maladie. Cette prévalence augmente avec l’âge dans les deux sexes, jusqu’à l’âge de 75 ans, tout en restant toujours plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Si l’on s’intéresse cette fois à l’incidence, dont la tendance à la baisse est confirmée par des études récentes, les hommes restent toujours plus touchés que les femmes, avec un sex-ratio de 1,5 selon l’étude européenne Inter-Act Epic.
Pour le diabète de type 1, l’incidence est similaire chez les filles et les garçons avant l’âge de 10 ans, mais elle s’élève plus fortement ensuite chez les garçons que chez les filles.
Le poids plus marqué des antécédents familiaux
Parmi les facteurs de risque de diabète de type 2, seul le poids des antécédents familiaux, significativement plus marqué chez les femmes, diffère selon le sexe. Dans la cohorte Desir, des antécédents familiaux étaient retrouvés chez 43 % des femmes diabétiques versus 20 % des hommes diabétiques (p = 0,003).
Autre différence : l’indice de masse corporelle, à âge égal, est plus élevé chez les femmes que chez les hommes.
L’incidence des complications liées au diabète est plus élevée chez les hommes, mais si les risques absolus sont moindres chez les femmes, le risque relatif de complication (diabétique vs. non diabétique) est plus élevé.
Des mécanismes complexes
Hommes et femmes ne sont donc pas égaux face au diabète et le sexe a un effet sur la composition corporelle, la balance énergétique et l’homéostasie glucidique. Les stéroïdes sexuels jouent bien sûr un rôle majeur dans ces différences, selon des mécanismes complexes, qui sont en jeu dès la vie intra-utérine, sous la dépendance des chromosomes sexuels, des modifications épigénétiques et des hormones sexuelles endogènes, sans oublier le rôle potentiellement délétère de perturbateurs endocriniens (lire p. précédentes).
Le rôle des hormones féminines est par exemple bien mis en évidence par l’étude de l’impact des mutations inactivatrices des gènes CYP19A1 et ESR1, rencontrées chez l’humain, qui se traduisent notamment par un surpoids de type androïde et une insulinorésistance marquée dès le plus jeune âge.
Dans les situations de carence
Un tableau d’insulinorésistance peut aussi s’installer lors de la carence estrogénique physiologique caractérisant la ménopause ou en cas d’anomalies du cycle estral lors de la vie reproductive. Ces liens entre hormones sexuelles et risque de diabète ont naturellement conduit à évaluer l’impact du traitement hormonal substitutif de la ménopause sur l’incidence du DT2, critère secondaire des grands essais randomisés contrôlés. L’étude WHI, notamment, a confirmé l’effet protecteur du THM (baisse de 21 % du risque de DT2), associé à une amélioration significative de la sensibilité à l’insuline. Les travaux sur des modèles murins ont montré que cet effet favorable s’exercerait via une activation du récepteur ERα et de la voie de signalisation de l’insuline dans le muscle squelettique. Ils ont aussi mis en évidence l’effet délétère de la carence en estrogènes sur le pancréas endocrine, ce qui suggère le rôle de ces hormones sexuelles dans d’autres types de diabète, comme le diabète cétonurique, à prédominance masculine nette, ou le diabète de type 1 marqué par un sex-ratio H/F de 1,8 à l’âge adulte.
Chez les hommes aussi, les hormones sexuelles jouent un rôle dans la survenue du diabète, comme en témoigne la fréquence des hypogonadismes centraux modérés dans le DT2. Comme chez les femmes, le déficit en androgènes a des effets néfastes sur la composition corporelle et un traitement par testostérone améliore le profil métabolique et en particulier la sensibilité à l’insuline. Le recours à ce type de traitement est toutefois limité par des problèmes de tolérance.
Symposium Genre et diabète : quelles différences ? D’après les communications du Dr Beverley Balkau, Villejuif, et du Pr Pierre Gourdy, Toulouse.
Article précédent
De nouveaux diabétogènes par la pollution
Article suivant
L'ère iSGLT2
Une coronaropathie féminine
Boucle fermée, les bénéfices attendus
L’essor de la télémédecine
La recherche fondamentale à l’honneur
Les SMS du congrès SFD 2021
De nouveaux diabétogènes par la pollution
Des différences sexuées en diabétologie
L'ère iSGLT2
Un surrisque de décès par Covid encore mal expliqué
De fréquentes complications rhumatologiques du diabète
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?