L’un des atouts de l’étude nationale sur le diabète Entred, réalisée par Santé publique France en partenariat avec l’Assurance-maladie et la sécurité sociale des indépendants, la Haute autorité de santé et l’Agence nationale de sécurité du médicament, tient à la diversité des sources d’information, qui permet d’analyser toute une variété de thématiques.
Pour cette troisième édition, qui a débuté en 2019, près de 13 000 patients ont été tirés au sort, 9 072 en métropole (dont 1 000 de moins de 45 ans traités par insuline) et 3 700 dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) ; ces suréchantillonnages ont été choisis pour augmenter la pertinence des informations. Les taux de participation au suivi de cohorte passif sont très élevés, de 93,2 et 94,7 % respectivement. Plus d’un tiers des patients de métropole et près deux tiers de ceux vivant dans les Drom ont également répondu à un questionnaire (par téléphone, internet ou en face-à-face). Tous les territoires de métropole et des Drom étaient représentés, et l’étude a tenu compte des biais de participation, liés notamment au niveau socio-économique, à la démographie, au recours aux soins ou encore à l’état de santé.
Plus d’hommes en métropole
Les premières analyses d’Entred 3 livrent des informations précises sur les caractéristiques démographiques des patients. En métropole, la proportion d’hommes était de 57 % pour le diabète de type 1 (DT1), de 55 % pour le diabète de type 2 (DT2). Dans les Drom, où il n’y a pas eu de suréchantillonnage pour le DT1 (qui ne concernait donc qu’une faible partie des personnes tirées au sort), les femmes sont plus nombreuses que les hommes à présenter un DT2 (54 % à la Réunion, 59 % aux Antilles, 57 % en Guyane).
L’âge moyen à l’inclusion était plus élevé en métropole et aux Antilles (67 ans environ) qu’en Guyane (60,7 ans) ou à la Réunion (62,5 ans). Une tendance similaire a été observée pour l’âge au diagnostic.
Un quart des personnes vivant avec un DT2 en France sont nées à l’étranger, 57 % en Guyane.
Le niveau d’études est globalement plus élevé chez les personnes avec un DT1 que chez celles avec un DT2, dont 4 % en métropole et 12 % en Guyane n’ont jamais été scolarisées.
Obésité : les DT1 aussi
Parmi les facteurs de risque, le surpoids ou l’obésité concernent quasiment la moitié des DT1 en métropole, et entre 70 et 80 % des DT2 quel que soit le territoire concerné. Le taux de tabagisme actif est très important, de 25 % chez les DT1 et de 13 % chez les DT2 de métropole, moindre dans les Drom.
Les données d’HbA1c ne sont disponibles pour l’instant qu’en métropole : 7,7 % en moyenne pour le DT1, 7,2 % pour le DT2. Mais cette moyenne cache de fortes disparités, puisque 28 % des DT1 et 17 % des DT2 ont une HbA1c supérieure à 8 %.
Le taux d’hypertension artérielle (HTA) est moindre pour le DT1 (41 %), que pour le DT2 (de 76 à 78 % selon le territoire). Un tiers des DT2 ont des valeurs tensionnelles ≥ 140/90 mmHg.
Concernant la prise en charge thérapeutique, l’étude met en évidence un plus large recours à l’insuline (seule ou associée) dans les Drom : 37 % en Guyane, 35 % en Guadeloupe, 33 % en Martinique, 28 % à la Réunion et 23 % en métropole.
Complications micro et macrovasculaires
Parmi les complications cardiovasculaires, l’étude rapporte 12 % de complication coronarienne autodéclarée en cas de DT1, taux qui s’élève à 19 % pour les DT2 vivant en métropole ou à la Réunion (entre 5 et 8 % dans les autres Drom). Une hospitalisation dans les dix années précédentes pour infarctus du myocarde est notée chez 3 % des DT1 et des DT2 vivant en métropole, 5 % de ceux vivant à la Réunion, 1 % dans les autres Drom.
De 8 à 12 % des DT2 ont déclaré avoir souffert d’un AVC, chiffres à mettre en regard des taux d’hospitalisation de 3 à 5 % pour AVC (et non AIT) dans les 10 ans précédents.
Les complications microvasculaires sont, sans surprise, plus fréquentes chez les personnes vivant avec un DT1 : 34 % de rétinopathie autodéclarée (de 7 à 16 % selon les territoires en cas de DT2), 13 % de mal perforant plantaire autodéclaré (de 7 à 10 % en cas de DT2). Le taux d’hospitalisation pour dialyse ou greffe rénale dans les 10 ans est de 1,4 % en cas de DT1, moindre pour le DT2, sauf à la Réunion (1,2 %).
Au total, ces premières données confirment les différences de profil sociodémographique entre DT1 et DT2. Les DT1 sont des patients jeunes, avec un diabète ancien (plus de 20 ans d’évolution pour plus de la moitié d’entre eux) et des facteurs de risque importants (surpoids/obésité et tabagisme).
La population des DT2 en métropole est vieillissante (+ 1,8 an d’âge moyen et + 2 ans en médiane d’ancienneté du diabète) comparativement à Entred 2 en 2007. Les facteurs de risque restent à un niveau élevé et les évolutions temporelles font l’objet d’analyses en cours. En Outre-mer, les données sont encore en cours d’exploitation, mais il apparaît d’ores et déjà que la population est plus jeune, globalement plus défavorisée et présente plus fréquemment des complications, micro et macrovasculaires à la Réunion et microvasculaires en Martinique.
Une fracture numérique
Pour la première fois, grâce aux données colligées dans les questionnaires patients et médecins et celles du Système national des données de santé (SNDS), l’étude Entred s’est penchée sur la place du numérique chez les patients participants. Premier enseignement : 13,5 % des personnes ayant un DT1 et 36,9 % de celles vivant avec un DT2 n’ont ni smartphone, ni tablette, ni ordinateur. Il s’agit le plus souvent d’hommes en cas de DT1 et de femmes en cas de DT2, de sujets plus âgés, de personnes ayant un niveau d’éducation plus faible, un ressenti financier difficile ou vivant seules.
Plus de la moitié des DT1 et 90 % des DT2 n’ont jamais utilisé d’application de santé. Le recours aux objets connectés reste minoritaire et notamment, seules 37 % des personnes avec un DT1 utilisent un lecteur de glycémie connecté. Plus d’un tiers des DT1 n’utilisent pas de capteur ou de lecteur de glycémie en continu (CGM), proportion qui s’élève à 83 % chez les DT2 traités par insuline. De même, le fait d’avoir un ressenti financier difficile, un faible niveau d’éducation et de vivre seul sont des facteurs associés à la non-utilisation d’un CGM en cas de DT1.
Chez les DT2, le taux d’utilisation d’un CGM s’accroît avec l’ancienneté du diabète. Ainsi, malgré un remboursement à 100 % dans le DT1 et le DT2 sous insuline, l’utilisation d’un CGM est loin d’être universelle. Un peu plus d’un tiers des DT1 (36,2 %) ont recours à une pompe à insuline, plus souvent des femmes (51,5 %) que des hommes (24,7 %).
Globalement, les premières analyses soulignent donc des inégalités majeures dans l’accès au numérique et l’utilisation des nouvelles technologies. Des difficultés sont également rapportées quant à la littératie en santé, qui définit la motivation et les compétences des personnes à accéder et comprendre les informations et à naviguer dans les services de santé pour prendre en charge leur propre maladie. Les moyennes cachent en pratique de fortes disparités, entre les patients, mais aussi chez un même patient qui peut être très à l’aise dans un domaine et à la peine dans d’autres.
Exergue : En Outre-mer, la population est plus jeune, globalement plus défavorisée et présente plus de complications
Communications de Sandrine Fosse-Edorh (Santé publique France), Dr Xavier Debussche (CH Paimpol) et Guy Fagherazzi (Luxembourg Institute of Health)
Article suivant
On peut prévenir le diabète de type 1
Une photographie du diabète en France
On peut prévenir le diabète de type 1
Concilier technologique et écologique ?
Charge mentale et boucles fermées
DT1 : un risque psychiatrique à évaluer
Comment réduire le risque cardiovasculaire résiduel ?
Fumer favorise le diabète
Quand la plaie est infectée
Les SMS du congrès SFD 2023
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?