« La démarche écoresponsable doit gagner notre spécialité, reconnaît le Pr Mathieu Pioche (service d’hépato-gastroentérologie, Hospices Civils de Lyon), un des chefs de file en France et en Europe de l’écoresponsabilité des pratiques médicales. Les capsules endoscopiques évacuées dans les égouts et l’usage abusif du matériel stérile illustrent ce problème sociétal. Ces exemples caricaturaux montrent que le potentiel de remise en question écologique est phénoménal. À l’hôpital, l’écoresponsabilité et les comportements vertueux se heurtent à l’écoloscepticisme et à la sacro-sainte hygiène, qui paralysent les évolutions concernant le recyclage, le tri et les pratiques. L’hôpital ne doit pourtant pas être une zone de non-droit en matière d'écoresponsabilité ».
L'endoscopie très polluante
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, le secteur de la santé contribue aux émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 8 % en France (5,4 % des émissions carbones d’après une étude anglaise en 2018). Sur la troisième marche du podium des pratiques les plus polluantes, l’endoscopie génère 3,09 kg de déchets par patient et par jour. Le lavage d’un endoscope nécessite 80 litres d’eau et presque un litre de produits chimiques évacués directement dans les eaux usées. Concernant la capsule endoscopique, les 22 000 examens annuels en France ne représentent certes qu’une goutte d’eau par rapport à la pollution industrielle et domestique. Néanmoins, son usage actuel est un exemple d’aberration écologique. Après être débarrassée d’un emballage contenant des aimants en terres rares non recyclés, elle est jetée dans l’environnement. Son recyclage n’est pas envisagé à grande échelle alors qu’elle contient des LED, des microprocesseurs et des batteries en fonction (exposant les patients à des sanctions pour dépôt illégal de déchets).
Des voies d’amélioration
« Nous pouvons endosser le rôle de lanceur d’alerte, encourage le Pr Pioche. L’amélioration de nos pratiques promet des retombées majeures, en favorisant la réutilisation, le recyclage, et en réduisant la quantité de matériel utilisé (objectif le plus simple à mettre en œuvre). Concernant par exemple l’enchaînement d’une gastroscopie et d’une coloscopie dans un même bloc, ces explorations peuvent être réalisées avec du matériel mutualisé grâce à une planification minime (utilisation d’une pince à biopsie suffisamment longue pour les deux examens, au lieu de deux de tailles différentes). Il est aussi possible de limiter la pollution numérique en réduisant le nombre de gigas stockés ». De plus, la réintroduction de matériels réutilisables (calots, sabots, tenues, tasses à café) plutôt que jetables (en plastique notamment) va aussi dans ce sens. Les recommandations européennes parues en juillet 2022 (1), auxquelles a participé le Pr Pioche, fixent les objectifs à atteindre en réduisant l’impact des formations (encore souvent sur animal vivant), en repensant la désinfection, ou en exigeant une expertise écolo-endoscopique. La Société française d’endoscopie digestive (SFED) a créé en 2021 une commission « Écoresponsabilité et développement durable » sous l’impulsion des jeunes générations, qui souhaitent faire peser la dimension verte dans tous les choix.
Une technique plus verte ?
Menée par la Dr Raphaëlle Grau et les Pr Jérémie Jacques et Mathieu Pioche, l’étude post-hoc de RESECT COLON est présentée cette année au Journées francophones d’hépatogastroentérologie et d’oncologie digestive (2). Elle compare l’impact carbone de la technique historique de mucosectomie fragmentée (MF, résection à l’anse dite « piecemeal ») et la dissection sous-muqueuse (DSM), dans le cadre des néoplasies superficielles colorectales supérieures à 20 mm. « L’inconvénient de la procédure classique est le risque de récidive, qui impose un contrôle local à distance à 6 et 18 mois, explique le Pr Pioche. A contrario, la résection complète grâce à la DSM, au taux de récidive nul en cas de succès, permet de s’affranchir des contrôles ». Les deux techniques se valent concernant le matériel (environ 10 kg équivalent CO2). Mais chaque contrôle post-mucosectomie piecemeal génère 28 kg de CO2, d’où un verdict sans appel en faveur de la DSM.
Tout serait plus simple si la MF pouvait être réalisée en centre de proximité avec le même niveau de qualité, mais l’exérèse des lésions difficiles est recommandée en centre expert (80 % des lésions dans l’étude). De manière pragmatique, si un malade est référé en centre expert, la DSM doit alors être privilégiée, tant pour ses résultats d’efficacité que pour son impact environnemental réduit.
(1) Rodriguez de Santiago E et al. Endoscopy 2022; 54(08):797-826
(2) Grau R et al. JFHOD 2023, abstract 421
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