Entre l’endoscopie interventionnelle digestive et la chirurgie, les cartes sont actuellement rebattues, sur fond d’études scientifiques. En effet, l’endoscopie s’impose de manière exclusive dans la résection des gros polypes ou des petits cancers pT1, l’achalasie ou les calculs du cholédoque. Elle progresse également dans la prise en charge de l’obésité, où l’endoscopie bariatrique gagne du terrain sur la chirurgie.
Pour une formation de qualité
Au-delà des indications, les arguments concernent aussi la qualité de la formation. En 2023, deux types de formations estampillées par la Société française d’endoscopie digestive (SFED) couvrent l’intégralité des domaines de l’endoscopie. Les masterclass, de format court, combinent la théorie et la pratique (dilatation de sténose, vidéocapsule, résection de lésions…). Quant aux formations plus longues (un à deux ans), elles s’attaquent aux techniques plus complexes (endoscopie bariatrique, dissection sous muqueuse, échoendoscopie et cathétérisme dans les pathologies biliopancréatiques) conçues sur le modèle des curricula de la Société européenne d’endoscopie gastro-intestinale. Lors de la réalisation du geste bariatrique, « les compétences médico-techniques des endoscopistes permettent d’y associer l’endoscopie diagnostique et thérapeutique extra-bariatrique, souligne le Dr Stéphane Koch (CHRU de Besançon), secrétaire général de la SFED. L’Ordre des médecins devrait se prononcer sur la légitimité de certains chirurgiens digestifs de se mettre à l’endoscopie interventionnelle, en ayant validé un unique diplôme universitaire en endoscopie chirurgicale, face à un minimum de sept années de formation des endoscopistes hépato-gastroentérologistes. Nous sommes confiants, cette polémique devrait s’éteindre rapidement. Les hépato-gastroentérologues, les radiologues et les chirurgiens ont besoin de travailler ensemble en confiance, en utilisant le meilleur de chacun ».
Trois nouvelles études essentielles
Jusqu’alors, seules des études rétrospectives monocentriques avaient comparé l’efficacité de la microchirurgie endoscopique transanale (TEM pour « Transanal Endoscopic Microsurgery ») à la résection endoscopique sous-muqueuse (ESD), pour l’exérèse locale des petites tumeurs du rectum (adénomes et adénocarcinomes usT1N0). D’où l’intérêt de l’étude française multicentrique prospective comparative MUCEM - GRECCAR 13 - FRENCH04 (non randomisée). Celle-ci a inclus 215 ESD et 119 TEM. Détaillés cette année aux Journées francophones d’hépato-gastroentérologie et d’oncologie digestive (JFHOD), les résultats sont sans appel : l’ESD est supérieure à la TEM à la fois en termes d’inclusion, de qualité d’exérèse, de récidive et de qualité de vie. Les résections endoscopiques sont plus souvent R0 monobloc que les résections chirurgicales (99 % contre 91,2 %, p = 0,001). Les morbidités (globale et majeure) étaient comparables, mais la survie sans récidive à trois ans était meilleure après ESD (89,7 % versus 78,9 % pour la TEM, p = 0,005), pour un coût bien inférieur.
Par ailleurs, un essai multicentrique rétrospectif international s’est intéressé aux insulinomes pancréatiques. Si dans cette pathologie le traitement de référence est chirurgical, la radiofréquence (RF) permet leur destruction à hauteur de 87 % en une séance, au prix d’une morbidité limitée. Présentée lors des JFHOD 2023, l’étude a comparé la morbimortalité de la RF sous échoendoscopie à la chirurgie. Elle a inclus 304 patients traités, entre 2014 et 2022, dans 23 centres (Inde, Norvège, Suisse, France…). Le taux de complications était très inférieur pour la RF (18 % versus 63,2 %, p = 0,0007), avec une efficacité clinique similaire à̀ un an, mais un suivi moyen moins long. Les rechutes (15,3 % pour la RF versus 0 % sous chirurgie) ont toutes été traitées avec succès.
Enfin, une des premières méta-analyses (sur sept études et 6 775 patients) comparant l’endoscopie bariatrique (sleeve gastroplastie endoscopique ou ESG) à la chirurgie bariatrique (sleeve gastrectomie laparoscopique ou LSG) a récemment été publiée (1). Par rapport à la LSG, l’ESG permet une perte de poids notable (mais inférieure à court et moyen terme), avec une tendance à moins d’événements indésirables. L’incidence du reflux gastro-œsophagien est bien plus faible après l’ESG (1,3 % contre 17,9 %). Les auteurs voient en l’ESG une alternative acceptable à la LSG, chez les patients souffrant d’obésité légère à modérée.
(1) Beran A et al. Obes Surg. 2022 Nov;32(11):3504-12
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