L’enquête nationale périnatale fournit, tous les cinq ans depuis 1995, des données très précieuses à destination des professionnels et des usagers sur la santé périnatale, en métropole et dans les départements et régions d’Outre-mer (Drom). Diligentée par le ministère de la Santé, cette sixième édition a inclus, pour ce qui est de la métropole, toutes les femmes et tous les enfants nés après 22 semaines d’aménorrhée (SA) et/ou de poids de naissance supérieur à 500 g, dans toutes les maternités, pendant une semaine au mois de mars 2021. « Une période en pleine 3e vague de Covid-19, ce qui est à prendre en compte dans l’interprétation des résultats », souligne la Pr Camille Le Ray (Maternité Port Royal, Ap-Hp). Dans les Drom au contraire, l’enquête s’est étalée sur plusieurs semaines afin d’avoir un échantillon suffisant (lire encadré p. 28).
Ce type d’enquête nécessite des moyens humains importants, puisqu’elle implique des entretiens téléphoniques avec les investigateurs principaux des maternités, des entretiens avec les femmes, menés par des sages-femmes enquêtrices (plus de 1 300 au total), la collecte de données issues du dossier médical de la maternité et la gestion des questionnaires à deux mois (par internet ou par téléphone) sur un échantillon de femmes.
Le taux de participation des maternités a été très élevé (456 des 459 maternités et 6 maisons de naissance), tout comme celui des femmes à la naissance (96 %, soit 12 287 enfants et 12 088 femmes). À deux mois, les trois-quarts des 80 % de femmes qui avaient donné leur accord pour être recontactées ont répondu au questionnaire, soit 7 399 femmes.
Les données globales sont en phase avec celles du PMSI sur l’année 2021 : il y a eu 93 % de naissances à terme (de 37 à 44 SA), 5,3 % de naissances entre 32 et 36 SA et 1,7 % entre 22 et 31 SA. Le taux de grossesses multiples est de 1,7 %.
Tension en personnel dans les maternités
La diminution du nombre de maternités, observée depuis une trentaine d’années, tend à se stabiliser : 8 % ont fermé entre 2010 et 2021. La taille des maternités a peu évolué.
Pour la première fois, cette enquête met en évidence une tension en personnel, avec le recours plusieurs fois par mois à des obstétriciens intérimaires ou des vacataires en salle de naissance dans 28,7 % des cas, à des médecins anesthésistes-réanimateurs pour le secteur obstétrical dans 31,2 % des cas, à des pédiatres (22,1 %) et à des sages-femmes (28 %). Il s’agit alors le plus souvent de professionnels habitués au service.
Le gynécologue-obstétricien reste le principal professionnel consulté au cours des six premiers mois de grossesse. Les sages-femmes assurent 40 % des suivis de grossesse, 96 % des entretiens prénataux précoces au 4e mois et 88 % des accouchements par voie basse spontanée.
En post-partum, 79 % des femmes bénéficient d’au moins une visite à domicile par une sage-femme.
Du mieux sur le tabac et la vaccination
L’âge des femmes continue de croître. Désormais, la proportion des plus de 35 ans est de 24,6 %, comparativement à 21,1 % en 2016 (12,4 % en 1995). La proportion de femmes obèses avant la grossesse a quasi doublé depuis 2003, passant de 7,4 à 14,4 %. Le niveau d’études poursuit aussi sa progression, avec 59,4 % des femmes ayant fait des études après le bac.
Pour le suivi de grossesse, cette enquête met en avant des points positifs, tels que la meilleure couverture vaccinale contre la grippe (30,4 vs. 7,4 % en 2016), qui peut toutefois en partie être liée à l’épidémie de Covid-19. Le taux de tabagisme au 3e trimestre connaît une baisse : 12,2 vs. 16,3 % cinq ans plus tôt. Celui du dépistage de la trisomie 21 est en hausse (90,9 vs. 86,5 %), et 80,3 % des femmes, contre 77,9 % en 2016, participent à un programme de préparation à la naissance.
Le pourcentage de femmes ayant un entretien prénatal précoce a un peu augmenté, passant de 28,5 % en 2016 à 36,5 % en 2021, mais il reste largement insuffisant. Il en est de même pour la prescription d’acide folique avant la grossesse, qui n’a que peu progressé (28,3 vs. 23,2 %). Le dépistage du diabète connaît lui aussi une légère hausse (76,1 vs. 73,2 %). Près de la moitié des femmes (49 %) passent six échographies ou plus, alors que les recommandations n’en préconisent que trois. Enfin, point très négatif, seules 16 % des femmes reçoivent des conseils pour la prévention de l’infection à CMV.
Concernant les complications maternelles au cours de la grossesse, cette nouvelle enquête met en évidence une augmentation significative du taux de diabète gestationnel, avec 11,4 % des femmes sous régime et 4,7 % sous insuline, versus 7,3 % et 3,2 % respectivement cinq ans plus tôt, et une réduction significative du recours à la corticothérapie anténatale (4,8 vs 5,9 %).
Le taux de déclenchement a augmenté, point qui va faire l’objet d’analyses plus poussées, celui de césariennes reste stable, à 21,4 %, comme celui d’accouchement instrumental (12,4 %). Le taux d’épisiotomies est en nette baisse (8,3 vs. 20,1 %).
Une analgésie neuro-axiale a été réalisée dans 85,1 % des cas, avec une nette augmentation des analgésies contrôlées par voie péridurale (PCEA) : 74,2 vs. 53,8 % en 2016.
Les hémorragies sévères du post-partum sont en augmentation (3 vs. 1,8 %), le taux de prématurité est stable, à 7 %.
Une femme sur six avec une dépression du post-partum
Le taux d’allaitement maternel à la naissance est stable, exclusif à 53,6 % et mixte à 13,4 %. À l’âge de deux mois, ces chiffres sont respectivement de 34,4 et 19,8 %, et plus de la moitié des nourrissons reçoivent une préparation.
Les chiffres concernant la durée de séjour en maternité sont à interpréter avec prudence, compte tenu du contexte particulier de la vague de Covid-19 : trois jours pour 43,5 % des femmes (vs. 37,1 % en 2016), deux jours ou moins pour 12,4 % des femmes, comparativement à 4,5 % en 2016.
L’enquête nationale périnatale a évalué pour la première fois les scores de dépression à deux mois (Edimbourg postpartum depression scale [EPDS]), et retrouvé diagnostic clinique de dépression (EPDS ≥ 13), chez 16,7 % des femmes.
Les femmes indiquent majoritairement être satisfaites ou très satisfaites du suivi de la grossesse (96 %) et de la prise en charge en salle de naissance (96 %). Toutefois, un peu plus d’une sur dix (11,7 %) garde un mauvais ou un très mauvais souvenir de l’accouchement. Les éventuelles paroles, gestes et attitudes inappropriées lors du suivi de grossesse, de l’accouchement et du séjour en maternité font l’objet d’analyses plus précises.
Exergue : Un tiers des maternités font appel à des intérimaires plusieurs fois par mois
Communications de la Pr Camille Le Ray (Paris) et de Nolwenn Regnault, Santé publique France
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