L’épidémiologie des arboviroses en France hexagonale associe des infections par des virus endémiques et des virus importés, pouvant donner ou non des cas secondaires autochtones.
Les principaux virus endémiques sont le virus West-Nile et Usutu, celui de l’encéphalite à tique, le Toscana et, depuis plus récemment, celui de la fièvre hémorragique Crimée-Congo. Certains ont un profil épidémiologique complexe, avec à la fois une persistance locale et de nouvelles introductions via les oiseaux migrateurs.
Les virus importés par des voyageurs sont principalement ceux de la dengue, du Zika et du chikungunya. Ils ont tous trois donné lieu à des cas secondaires autochtones dans l’Hexagone, ce qui n'est pas le cas de celui de la fièvre jaune.
Des épidémiologies complexes
Quand l’arbovirose est zoonotique, le cycle naturel de propagation et de maintien est indépendant de l’humain, il implique des animaux réservoirs, des hôtes amplificateurs et des arthropodes vecteurs. C’est le cas en France continentale des pathogènes transmis par les tiques.
À l’inverse, dans le cas des arboviroses non zoonotiques (dengue, Zika, chikungunya), l’humain est le seul responsable de la propagation. Les virus sont importés par des personnes infectées à l’occasion de déplacements. Il n’y a pas pour l’instant de cycle naturel de propagation dans l’Hexagone, ni de maintien transannuel, mais le risque d’une telle issue augmente avec le nombre de cas autochtones, par un mécanisme de transmission verticale ou l’apparition d’un nouvel hôte zoonotique.
Le risque de cas autochtones dépend de plusieurs paramètres : la probabilité d’introduction par des voyageurs infectés, la probabilité de piqûre et de transmission par le vecteur et l’apparition d’un cycle de maintien.
La probabilité d’infection par des voyageurs infectés dépend de la fréquence des cas hors de métropole, en particulier dans les territoires ultramarins, de la durée des voyages (qui sont devenus plus courts que les temps d’incubation) et de leur fréquence, qui croît de façon continue, exception faite de la période de pandémie de Covid-19.
Le cas particulier de la dengue
Pour le Zika et le chikungunya, les cycles épidémiques sont brefs, grâce à une immunité de population, protectrice. Ce n’est pas le cas pour la dengue, pour laquelle on observe un cycle endémo-épidémique continu en zone intertropicale, en lien avec une diversification génétique récente et galopante. « Cela ne s’arrête jamais, il y a toujours de nouveaux sérotypes et donc de nouvelles épidémies », souligne le Pr Xavier de Lamballerie (Marseille).
2 500
cas de dengue importés en France hexagonale ont été recensés au cours du premier semestre 2024
Dans les faits, il y a en France hexagonale un flux majeur d’introductions de la dengue, avec plus de 2 500 diagnostics de cas importés au cours du premier semestre 2024, chiffre probablement très sous-estimé, en raison des formes pauci- voire asymptomatiques.
La probabilité de transmission de cas autochtones est en augmentation constante, avec la présence massive du vecteur Aedes albopictus, le moustique-tigre, doué d’une compétence vectorielle réelle, sans espoir à moyen terme de faire baisser son implantation, du fait de l’absence de programmes d’éradication et du réchauffement climatique.
Des diagnostics à évoquer en routine l’été
Ainsi, l’éventualité de cas autochtones est majeure pour la dengue, épisodique pour le Zika et le chikungunya. Pour les praticiens, il est donc important de penser à ces maladies, dont le diagnostic doit être évoqué en routine pendant la période dite estivale, qui en pratique ne cesse de s’allonger (de mai à octobre). Les conséquences de la dengue peuvent être majeures dans certaines populations comme les drépanocytaires. Les mesures de prévention sont donc absolument essentielles.
La vigilance s’impose en particulier dans les populations à risque
Moustiques et oiseaux
Dans le champ des arboviroses zoonotiques, la transmission du virus West-Nile est liée à l’intensité de la circulation dans l’avifaune, qui est vraisemblablement elle-même modulée par des éléments d’immunisation encore mal connus. Elle est sans doute maximale lorsque le virus entre dans de nouveaux territoires avec des populations aviaires naïves, ce qui a par exemple été le cas aux États-Unis au début des années 2000, ou plus récemment en Nouvelle-Aquitaine.
Ainsi, si le risque apparaît plus élevé dans des écosystèmes rassemblant des oiseaux infectés et de grandes densités de Culex (le moustique transmetteur), il peut aussi être significatif dans des territoires urbains. Mais, en dehors des épisodes d’extension territoriale, la probabilité épidémique est limitée, avec plutôt des bouffées de cas.
Il n’y a ni vaccin, ni traitement antiviral. Parmi les facteurs favorisant des formes graves : les âges extrêmes de la vie, l’immunodépression, les déficits de la voie des interférons de type 1 ou encore la greffe. L’infection des patients greffés, par des dons de sang ou des organes infectés, est associée à un pronostic sévère en l’absence de levée de l’immunodépression. Cela a conduit l’Établissement français du sang et l’Agence de la biomédecine à mettre en place un dispositif de prévention.
Extension des tiques
L’encéphalite à tiques est bien connue dans l’Est de la France et prise en compte chez les personnes exposées, qui peuvent être vaccinées. Mais des cas sont observés dans d’autres régions, autour de Nice et de Montpellier récemment. L’extension du domaine de répartition des vecteurs (les tiques Ixodes) est documentée vers le nord de l’Europe, pas le sud, mais des évolutions sont possibles. Le nombre de personnes exposées augmente avec la pratique de loisirs à risque. On observe également des cas groupés, lors de contamination par du lait non pasteurisé. Comme pour le virus West-Nile, des mesures de prévention ont été mises en place pour prévenir les infections des patients greffés.
La circulation du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo est connue depuis plusieurs années, en particulier chez les bovins et les animaux sauvages. Le virus a été identifié de façon formelle chez des tiques en Corse et dans les Pyrénées-Orientales, suite à la probable introduction de tiques infectées par des oiseaux migrateurs en provenance d’Afrique. Pour l’instant, il n’y a pas eu de cas clinique humain détecté, mais les formes pauci- et asymptomatiques sont fréquentes. Le risque est pour l’instant considéré comme faible, mais la vigilance s’impose chez les éleveurs, les vétérinaires, les chasseurs et les personnels d’abattoirs des zones de circulation avérée.
Ainsi, la présence d’arboviroses augmente en métropole, qu’il s’agisse des maladies endémiques comme le West-Nile, ou importées comme la dengue. Une tendance à la hausse qui devrait se poursuivre sous l’influence de nombreux facteurs, entomologiques, sociologiques et climatiques.
D’après la communication du Pr Xavier de Lamballerie (Marseille)
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