Les rafales, irrégulières, montent en puissance sur le port de Hyères. Au quartier général de la Fédération française de voile (FFVoile), sportifs, entraîneurs et badauds partagent la digue. « On ne sait pas si on va sortir aujourd’hui, avec ces conditions météo, on attend, commente Nicolas Mariettan, responsable de la préparation physique de l’équipe de France de voile olympique. C’est à l’image de nos défis et l’un des piliers de notre activité : l’adaptabilité. » S’adapter aux conditions météo, mais aussi à l’évolution des matériels et à chaque athlète.
« Il y a une prise de conscience de l’importance de la préparation physique et mentale, qui était un peu négligée jusqu’à présent avec des athlètes qui pouvaient arriver à un niveau olympique sans cette double préparation, explique le Dr Nicolas Capony, médecin du sport et référent de l’équipe de France de voile au pôle Marseille. L’évolution des matériels bouleverse aussi les conditions de suivi et de préparation. En particulier, l’arrivée des dérives à foil, avec lesquelles on a gagné 40 km/h, génère des traumatismes à haute cinétique, notamment au niveau du rachis avec des fractures vertébrales, et du genou avec des ruptures des ligaments croisés ou des lésions du ménisque. La nutrition est également devenue centrale, avec les problématiques de poids. »
Prévenir les hernies discales
« Je travaille avec les athlètes, en individuel et collectif, afin qu’ils mangent varié et équilibré, mettent des légumes dans leurs assiettes, s’alimentent pendant les entraînements et en récupération, et s’hydratent bien, explique Laurie-Anne Marquet, nutritionniste, qui accompagne la FFvoile depuis 2017. Pour les athlètes pratiquant des disciplines en foil, avec un enjeu de prise de masse importante, l’apport protéinique régulier et un apport calorique plus conséquent sont essentiels. » Sur le modèle anglo-saxon, la nutrition occupe une place de plus en plus importante dans le haut niveau.
Si les nutritionnistes se font désormais une place au niveau des fédérations nationales et des JO, celle des kinésithérapeutes n’est, elle, pas nouvelle. « On travaille l’intégration entre mouvement et prévention, avec une attention particulière à la respiration, explique le kinésithérapeute et ostéopathe Bertrand Guillo. La voile est un sport un peu atypique qui a tendance à perturber la posture, avec des verrouillages créés par des activités isométriques en tension maximale. On commence les séances par un travail sur le diaphragme et des exercices de basse intensité pour libérer la respiration et ces verrouillages, car ils engendrent des perturbations de la sangle abdominale. L’objectif est d’éviter douleurs et blessures, en particulier les hernies discales. »
Sans une double préparation physique et mentale, il devient inenvisageable de se hisser au niveau requis
Nicolas Mariettan, préparateur de l’équipe de France de voile
Méditation, visualisation, gestion du stress
« Nous développons depuis quelques années un accompagnement coordonné autour des sportifs », souligne Nicolas Mariettan, rappelant que chaque athlète doit être « le plus complet possible dans tous les paramètres autres que la navigation. » Pour qui vise l’or olympique, être un excellent marin ne suffit plus. « Sans préparation physique et mentale - ce qui n’était pas forcément dans la culture des navigateurs - il devient inenvisageable de se hisser au niveau requis, affirme-t-il. L’idéal est de commencer le plus tôt possible auprès des jeunes. On veille sur nos champions et futurs champions à 360 degrés, il ne faut aucun trou à la raquette. »
« Il est habituel d’évaluer les habiletés physiques, avec des examens médicaux bien balisés et obligatoires, mais beaucoup moins la partie mentale », estime Cyril Fourier, préparateur mental et coordinateur des préparateurs des JO Voile. Si les athlètes ont souvent leur propre préparateur mental, l’objectif est de coordonner les professionnels intervenant autour de chaque athlète. « On forme et sensibilise les entraîneurs, mais aussi les clubs en amont, souligne-t-il. On a un rôle de veille et de régulation, et pour inscrire pleinement la préparation mentale – méditation, visualisation, gestion du stress, des émotions… – dans le parcours des athlètes, on a réalisé des outils dédiés avec l’Insep. »
Les nouvelles connaissances sur les liens entre nutrition et cerveau, la cryothérapie, les effets physiologiques des techniques de préparation mentale ouvrent de nouvelles perspectives. « Il y a de nombreux questionnements sur les apports de l’IA ou les découvertes en neurosciences, mais nous ne savons pas encore quelles seront les conséquences sur la prise en charge », explique Ingrid Petitjean, préparatrice mentale. « Si tout est calibré pour accompagner chaque athlète au plus près de ses besoins, en voile, Éole préside aux conditions en mer », conclut le préparateur physique Patrick Lhopitalier.
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