Une piste pour ésoudre les conflits

Il faut aussi savoir recevoir en retour

Publié le 14/03/2016
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Conflit

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Crédit photo : Phanie

Dans un système familial équilibré, les parents donnent à leur enfant de l'amour, de l'attention, des cadeaux, de la nourriture... Les enfants et adolescents, en retour, ont également besoin de se sentir utiles en faisant un don à leurs parents. Ce don peut être visible (sourire, gentillesse, aide dans les tâches domestiques quotidiennes...), mais aussi, invisible (empathie des enfants pour leurs parents, inquiétude pour un parent fatigué ou stressé, pour une petite sœur ou un petit frère qui épuise ses parents...). Cette circulation du don et du contre-don, bien établie et reconnue par les enfants et les parents, permet aux familles d'établir des relations sereines, équitables et conviviales. A l'inverse, lorsque cet équilibre est brisé, des comportements alimentaires à risques peuvent survenir : boulimie, anorexie, phobies ou compulsions alimentaires...

Cette thèse inédite a été développée et décrite par le Dr Patrick Serog, médecin nutritionniste à Paris, et Roseline Levy-Bass, psychologue, psychanalyste et thérapeute familiale dans l'ouvrage pratique « La guerre des repas n'aura pas lieu » (éditions Marabout). « Souvent, les parents ont envie de bien faire : ils veulent donner ce qu'il y a de meilleur à l'enfant. Ils ont, alors, beaucoup de difficultés à reconnaître ce que celui-ci leur donne, en retour. Or, c'est précisément lorsqu'ils ne reconnaissent pas ce contre-don que des troubles du comportement peuvent apparaître chez l'enfant. Ces troubles se cristallisent, notamment, dans le domaine alimentaire. Car l'acte alimentaire est pluriquotidien, vital. C'est aussi un espace d'expression formidable à la fois pour les tensions familiales, mais aussi, pour le dialogue », souligne le Dr Serog.
Les parents reconnaissants vis-à-vis de tout ce que leur enfant leur apporte au quotidien permettent à celui-ci de grandir, de s'autonomiser, de manger pour lui-même et non plus, pour ou contre son père ou sa mère. « Quand les parents disent merci à leur enfant, un changement progressif s'établit dans leur relation, un espace s'ouvre au dialogue, notamment, lors des repas pris en famille », confie le Dr Serog.

 

Apaiser la relation aux autres et à l'alimentation

 


L'importance de la bonne circulation du don et du contre-don au sein des familles, et son impact, sur le comportement alimentaire, lorsque celle-ci est déséquilibrée, peut être illustrée par le biais de différents cas cliniques. « Justine, une jeune fille de 12 ans en surpoids, est venue dans mon cabinet car elle ne cessait de grossir alors même qu'elle vivait au sein d'une famille idéale. Ses parents comblaient ses moindres désirs et pourtant, elle était en souffrance. Elle n'osait pas dire à ses parents merveilleux qu'elle était malheureuse, inquiète. Justine était, d'autre part, une jeune fille dévouée : elle écoutait sa mère lorsqu'elle avait des problèmes, elle s'inquiétait pour son père qui semblait épuisé, s'occupait de son petit frère... Mais tous ces contre-dons étaient invisibles pour ses parents. Pour Justine, grossir était alors devenu une manière de se protéger contre tous les dons de ses parents qui l'étouffaient. Nous avons progressivement réussi à l'aider à retrouver une relation apaisée avec la nourriture en lui faisant prendre conscience de l'importance de confier à ses parents ses inquiétudes, sa tristesse. Nous avons également fait prendre conscience aux parents de tout ce que Justine faisait pour eux, chaque jour », affirme Roselyne Levy-Basse.
Autre exemple, l'anorexie peut également être regardée à travers le prisme du don et du contre-don. « La personne anorexique refuse toute nourriture pour ne pas être prisonnière du don. En comptant les calories toute la journée, en ne pensant qu'à son poids (et donc à elle-même), elle refuse tout type de don. L'anorexie devient alors une mesure de protection, de sauvegarde et non plus une mise en danger de la vie. Une des clés pour aider les personnes anorexiques est alors de les aider à s'ouvrir au don et donc, aux autres. La reconnaissance par les parents du don que les enfants leur font, permet à ces derniers de s’autonomiser, de se prendre en charge sur le plan corporel et émotionnel et de retrouver la paix des émotions dans la famille », conclut le Dr Serog.
 

 

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Nutrition