Multiples uvéites

Par
Publié le 02/06/2023
Article réservé aux abonnés
Les uvéites relèvent d’étiologies diverses, qui peuvent en faire toute la gravité quand elles sont liées à des pathologies systémiques. Certaines causes sont à traiter en urgence, comme la tuberculose, la syphilis ou l’infection à herpes virus.
L’examen comprend systématiquement acuité visuelle, pression intra-oculaire, fond d’œil, lampe à fente, et imagerie rétinienne multimodale

L’examen comprend systématiquement acuité visuelle, pression intra-oculaire, fond d’œil, lampe à fente, et imagerie rétinienne multimodale
Crédit photo : BURGER / PHANIE

Inflammation du tractus uvéal — iris, corps ciliaire et choroïde —, l’uvéite implique aussi souvent la rétine, la chambre antérieure et le vitré. Elle se manifeste classiquement par une baisse visuelle, un œil rouge, des douleurs, une photophobie et fréquemment des céphalées.

Elle peut se compliquer de cataracte, d’hypotonie, de décollement rétinien, de synéchies irido-cristalliniennes, de glaucome, d’atrophie optique, sans oublier les potentiels effets secondaires de la corticothérapie. Mais sa sévérité peut être aussi liée à une pathologie systémique sous-jacente.

Plus de 60 étiologies

On regroupe les étiologies de l’uvéite en pathologies :

— inflammatoires : spondyloarthrites (SpA) ou maladies liées à HLA-B27, sarcoïdose, maladie de Behçet, SEP ;

— infectieuses : irido-cyclite de Fuchs, toxoplasmose, tuberculose, herpes virus (HV), maladie de Lyme, syphilis ;

— iatrogènes : rifabutine, biphosphonates, interféron ;

— strictement ophtalmologiques : maladie de Vogt-Koyanagi-Harada (panuvéite granulomateuse bilatérale), choriorétinopathie de Birdshot, pars planite (inflammation du vitré).

Sans oublier les pseudo-uvéites, où l’inflammation est provoquée par un traumatisme, un corps étranger intra-oculaire, une tumeur (lymphome, mélanome, rétinoblastome).

Mais l’uvéite reste idiopathique dans pratiquement un tiers des cas.

« Cinq étiologies rendent compte de 70 % des uvéites : les pathologies liées à HLA-B27 (22 %), la sarcoïdose (18 %), la SpA (11 %), la tuberculose (11 %), l’HV (8 %). Mais il faut aussi penser à la maladie de Behçet (4 %) et surtout à la syphilis (1,7 %) qui est en augmentation », explique la Dr Adélaïde Toutée (La Pitié-Salpêtrière, AP-HP).

L’interrogatoire et l’examen recherchent des signes extra-oculaires. Le diagnostic étiologique est aussi orienté par la localisation – antérieure, intermédiaire, postérieure ou panuvéite –, le caractère uni- ou bilatéral, le mode évolutif, le caractère granulomateux ou non des lésions.

L’examen comprend systématiquement la mesure de l’acuité visuelle (AV), de la pression intra oculaire, un fond d’œil (FO) avec dilatation, un examen à la lampe à fente, une imagerie rétinienne multimodale.

Antérieures : éliminer tuberculose, syphilis et sarcoïdose

L’uvéite antérieure se traduit par un œil rouge, un cercle périkératique, des douleurs, une photophobie. Non granulomateuse, elle oriente vers des maladies inflammatoires : SpA, maladies liées à l’HLA-B27, arthrite juvénile idiopathique. Granulomateuse, elle fait suspecter une infection, une sarcoïdose, des pathologies oculaires pures. Le bilan paraclinique est orienté en fonction de ces éléments. Si la sérologie virale aide au diagnostic d’une uvéite virale, la preuve n’en est apportée que par la ponction de chambre antérieure (PCA).

La présence d’un hypopion (niveau liquide lié à l’accumulation de pus dans la chambre intérieure de l’œil) doit faire suspecter en priorité une uvéite infectieuse, à traiter en urgence, en particulier l’endophtalmie (infection oculaire) après chirurgie ; il peut aussi s’observer dans les maladies liées à HLA-B27, la sarcoïdose, les uvéites à la rifabutine et les pseudo-uvéites tumorales – rétinoblastome, leucémies – ou par corps étranger méconnu.

Les uvéites intermédiaires correspondent à une inflammation du vitré. Elles se traduisent par des myiodésopsies (« mouches »), une baisse de l’AV ; l’œil rouge est inconstant.

L’examen montre une hyalite avec des condensations vitréennes, de possibles engaînements vasculaires périphériques, un œdème maculaire ou une papillite. Les causes sont dominées par la sarcoïdose, la SEP et la pars planite idiopathique.

Postérieures et panuvéites : les infections au premier plan

L’uvéite postérieure se manifeste par un œil un peu rouge mais surtout une vision floue. Le FO montre une hyalite avec un foyer choriorétinien mal limité et des hémorragies, une nécrose rétinienne, une vascularite. Elle relève principalement de quatre étiologies potentiellement graves : infectieuses (toxoplasmose, HV, tuberculose, syphilis, endophtalmie), auto-immunes (sarcoïdose, Behçet), tumorales (lymphome) ou d’une pathologie oculaire pure.

Une panuvéite unilatérale doit être considérée comme infectieuse jusqu’à preuve du contraire.

Dès qu’il existe une atteinte postérieure, la prise en charge est urgente pour préserver le pronostic visuel, en cas d’infection, de hyalite importante exposant à des synéchies vitro-rétiniennes, un œdème maculaire. La réalisation d’une PCA en urgence s’impose dans les uvéites postérieures ou les panuvéites.

Session Sifo : « L’uvéite »

 

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin