L’ALLERGIE aux protéines du lait de vache (APLV) est fréquente, sa prévalence est estimée entre 2 et 7 % selon les études. Elle est définie par la survenue de symptômes cliniques après ingestion de ces protéines. Ces manifestations sont dues à une réponse immunologique anormale, IgE médiée dans les allergies de type immédiat et non IgE médiée dans les formes plus tardives après le contact et/ou chroniques. Si le diagnostic est évoqué cliniquement, il doit impérativement être confirmé avant l’instauration d’un régime d’exclusion, qui serait sinon injustifié voire délétère. Le test diagnostique de référence est l’épreuve d’éviction et de réintroduction. Les modalités de la prise en charge diététique de l’APLV ont été récemment précisées par des recommandations du Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie (1).
Les experts insistent sur l’évaluation systématique des conséquences nutritionnelles de l’APLV en elle-même. Elles sont très variables, car dépendantes de l’inflammation de la muqueuse. La carence en fer semble fréquente -une anémie ferriprive peut à elle seule révéler une APLV- mais a paradoxalement été peu étudiée. Le régime d’éviction peut lui-même exposer à un risque de carence nutritionnelle, en particulier s’il est mal contrôlé et excessif ou en cas d’exclusions multiples chez les enfants poly-allergiques.
Si le diagnostic d’APLV est fait lors du sevrage, l’idéal est la reprise de l’allaitement maternel, sans régime particulier chez la mère puisque le lait était jusqu’alors bien toléré.
Si en revanche les manifestations allergiques surviennent chez un enfant allaité de façon exclusive, un régime d’épreuve strict avec exclusion des PLV de l’alimentation maternelle (et supplémentation de celle-ci en calcium et vitamine D) pendant 2 à 3 semaines doit permettre la disparition des symptômes. La réintroduction progressive des PLV dans l’alimentation maternelle est tentée dans un deuxième temps, jusqu’à la dose maximale tolérée par l’enfant.
Si l’enfant n’est plus allaité ou si la mère ne peut ou ne souhaite plus allaiter, le lait est remplacé par une préparation à base d’hydrolysat extensif (eHF) de PLV. Les substituts partiellement hydrolysés (pHF), également dénommés « hypoallergéniques » ou « HA » n’ont pas de place dans la prise en charge de l’APLV.
En cas d’échec des eHF, une préparation d’acides aminés (PAA) est justifiée.
Le Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie regrette le faible nombre d’études réalisées avec les eHF et les experts précisent qu’à ce jour, les seuls produits dont l’efficacité a été démontrée sur le plan allergologique et nutritionnel sont : Nutramigen, Neocate et Nutramigen AA.
Les eHF de protéines de riz enrichi en lysine, en thréonine et en tryptophane offrent une alternative intéressante aux eHF d’origine animale. Les préparations à base de protéine de soja ne peuvent être utilisées que chez les nourrissons de plus de 6 mois, après avoir vérifié la bonne tolérance clinique au soja.
Les recommandations insistent sur le caractère inapproprié de certains produits utilisés en substituts du lait de vache, tels que le lait de chèvre, de brebis, d’ânesse ou de jument, ou certains jus végétaux (amande, coco ou châtaigne). Ces produits sont inadaptés sur le plan nutritionnel aux besoins du nourrisson. Ces derniers peuvent être responsables de désordres nutritionnels graves (kwashiorkor et rachitisme carentiel).
Lors de la diversification, le régime d’exclusion des PLV doit être soigneusement expliqué aux parents. Lait, laitages, fromages, beurre, crème fraîche et tous les produits industriels contenant du lait sont concernés. La présence de PLV est normalement indiquée sur l’étiquetage au moyen des mentions : « protéines de lait de vache », « caséine », « lactosérum », « petit lait », « lactalbumine » et « sérumalbumine ». L’exclusion du bœuf et du veau n’est pas systématique et ne concerne que les enfants allergiques à la sérumalbumine bovine (13 à 20 % des cas). Le lactose utilisé dans l’industrie alimentaire peut contenir des traces de PLV et être responsable de réactions allergiques.
La question de la durée du régime d’exclusion est importante. La disparition des symptômes sous régime d’éviction est variable, pouvant demander 2 à 4 semaines. L’évolution de la maladie elle-même ne se fait pas systématiquement vers la guérison, des études récentes ayant mis en évidence la persistance de réactions jusqu’à des âges tardifs dans un nombre non négligeable de cas. Ainsi, certains enfants peuvent garder une maladie résiduelle, ce qui a conduit à développer le concept de dose tolérée par l’enfant. Cette démarche permet de normaliser une partie de l’alimentation, le régime étant adapté à la dose réactive. Des travaux récents suggèrent ainsi que le maintien des PLV à la dose tolérée, outre son impact social important, faciliterait l’acquisition de la tolérance.
D’après la communication du Pr Dominique Turck (Lille), lors de la session « Recommandations HAS en pédiatrie : publicatiosn de la SFP ».
(1) Dupont C, Turck D (coordinateur) et coll. Dietetic treatment of cow’s milk protein allergy. Arch Pediatr 2011 Jan;18(1):79-94.
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