Le Quotidien du Médecin. Le dépistage précoce des troubles est-il un enjeu majeur ?
Pr Frédérique Bonnet-Brilhault : L’autisme touche 1 % de la population et une naissance sur 60. Plus la prise en charge est précoce, meilleur est le pronostic, notamment dans les formes légères. Les médecins généralistes et les pédiatres jouent bien évidemment un rôle majeur pour dépister tôt les éventuels troubles de la communication sociale, et plus largement les troubles du neurodéveloppement. L’autisme est d’abord un trouble de la communication et la sémiologie est très importante. L’analyse des capacités de communication doit ainsi faire partie de l’examen clinique des nourrissons, au même titre que celle des troubles digestifs ou du sommeil. La formation est importante car la bonne connaissance du développement normal permet de bien repérer ce qui ne fonctionne pas.
Quels sont les principaux signes qui doivent alerter ?
L’inquiétude des parents, quel que soit l’âge de l’enfant, doit toujours être prise en compte. Il faut par exemple écouter une mère qui indique que son bébé ne la regarde pas normalement ou reste toujours très calme sans gazouiller, et ne pas banaliser ses craintes. De même, toute régression, sur le plan du langage ou du relationnel -un enfant qui ne gazouille plus, n’a plus de contact oculaire chaleureux-, est également un signe d’alerte qui doit faire rechercher un trouble sous-jacent, neurologique ou de la communication. À l’âge de 12 mois, ce sont notamment l’absence de babillage, de pointage du doigt, de gestuelles comme le « coucou » qui constituent des signes d’appel, puis à 18 mois l’absence de mots et à 24 mois d’association de mots. L’atteinte porte sur la communication verbale et non verbale, ce qui n’est pas le cas dans le retard de langage simple, où l’enfant certes parle peu mais s’exprime avec des gestes, des mimiques. La liste des signes devant alerter est longue et bien précisée dans les recommandations de la Haute Autorité de santé actualisées en 2018 (1). On peut aussi se référer au guide des troubles du neurodéveloppement, plus global (2).
Que peut faire le médecin de premier recours en cas de doute ?
Des plateformes « Troubles du neurodéveloppement » (TND), sorte de guichet unique, vont être développées sur tout le territoire, mais elles ne sont pour l’instant pas toutes opérationnelles. Cependant les praticiens peuvent sans attendre contrôler l’audition et demander des bilans fonctionnels auprès d’orthophonistes et psychomotriciens. Leur réalisation va être facilitée car ils vont être remboursés de façon forfaitaire par l’Assurance-maladie, indépendamment des MDPH. La prise en charge des enfants est individualisée, fondée sur le diagnostic fonctionnel. Ainsi, une rééducation chez une orthophoniste peut tout à fait être débutée avant la confirmation du diagnostic d’autisme par une équipe formée aux outils, qui prendra ensuite le relais. Le diagnostic complet nécessite une évaluation standardisée, qui peut être faite dans un centre médico-psychologique, un centre d’action médicosociale précoce mais aussi en libéral, par des équipes et des professionnels formés aux évaluations des TND. La volonté est en effet d’accroître le nombre de libéraux formés à ces outils pour faciliter le diagnostic précoce, notamment des formes légères, afin d’intervenir très tôt.
(1) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-02/tsa_-_des_…
(2) https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/disa-dicom_reperage_tnd_a5_papier_v13j…
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