Les enfants obèses restent-ils des adultes obèses ? « Durant les premiers mois de vie, de nombreux bébés sont gros ; il ne faut pas s’inquiéter. Avant l’âge de 5 ans, la majorité des enfants qui sont en surcharge pondérale ne vont pas le rester à l’âge adulte. 80 % d’entre eux vont avoir une évolution spontanément favorable et maigrir », rassure le Pr Patrick Tounian (hôpital Trousseau, AP-HP).
La probabilité de persistance de l’obésité de l’enfance à l’âge adulte augmente avec l’âge de l’enfant, avec la sévérité de son obésité et avec les antécédents familiaux d’obésité. Avoir un ou des parents obèses augmente notablement le risque (1).
« Après 6 ans, la majorité des enfants vont rester gros, cela devient d’autant plus vrai après 10 ans : 75 % des enfants et adolescents obèses le restent alors à l’âge adulte. L’effet de la prise en charge pendant l’enfance reste minime sur l’évolution de la charge pondérale », souligne le Pr Tounian.
Une maladie à vie
La précocité de la prise en charge de l’obésité de l’enfant, son efficacité, la durée du suivi n’ont pas d’influence sur le devenir pondéral à l’âge adulte. « En mangeant plus et en bougeant moins, les enfants grossissent, mais l’origine de ce comportement est constitutive, d’où les difficultés qu’ont les enfants à perdre du poids de manière prolongée. L’obésité est une maladie que l’on garde à vie dans la majorité des cas », ajoute le Pr Tounian.
Au contraire, près de 80 % des adultes qui deviennent obèses ne l’étaient pas pendant l’enfance ! « Ce constat suggère que les mécanismes physiopathologiques sont différents chez l’enfant et chez l’adulte et il montre l’implication inégale, selon l’âge, des facteurs génétiques et environnementaux dans l’évolution pondérale », commente le Pr Tounian.
Risque cardiovasculaire
Les enfants obèses peuvent avoir des lésions artérielles dès l’âge de 11 ans mais elles sont réversibles : le simple fait de maigrir annule les risques (2, 3).
« Peu importe d’avoir été gros pendant l’enfance ou de ne jamais l’avoir été, ce qui compte, pour le risque cardiovasculaire, c’est d’être en surcharge pondérale à l’âge adulte, après 30 à 40 ans, ajoute le Pr Tounian. On peut donc considérer que le traitement de l’obésité de l’enfant n’est pas une urgence. Le plus important est de maigrir après la trentaine ou même plus tard, car le risque cardiovasculaire peut toujours diminuer. »
En ce qui concerne le risque ultérieur de diabète, il en est de même. Ce qui compte, c’est l’obésité à l’âge adulte ; les mesures hygiénodiététiques peuvent alors diminuer le risque de diabète (4).
Au total, le surpoids et l’obésité présentent beaucoup moins de complications médicales graves chez l’enfant que chez l’adulte. La précocité de la prise en charge n’a pas d’influence sur le devenir pondéral ou le risque cardiovasculaire à l’âge adulte. Un régime restrictif est difficile à tolérer pour un jeune enfant et il n’est donc pas forcément utile. Le but de la prise en charge dans l’enfance est d’améliorer la qualité de vie immédiate de l’enfant, pas le pronostic à l’âge adulte.
Entretien avec le Pr Patrick Tounian (chef du service de nutrition et gastro-entérologie pédiatrique, hôpital Trousseau, Paris) (1) Robert. C et al. N Engl J Med. 1997 Sep 25;337(13):869-73 (2) Juonala M et al. N Engl J Med. 2011 Nov 17;365(20):1876-85 (3) Hui Fan et al. Front Pediatr. 2020 Jun 9;8:301 (4) Bjerregaaard L et al. N Engl J Med. 2018 Apr 5;378(14):1302-12
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