La prévalence de l'œsophagite à éosinophiles est aujourd'hui estimée entre 10 et 50/100 000 habitants, touchant plutôt les populations vivant dans les pays industrialisés, en particulier citadines. Elle touche préférentiellement les hommes (sex-ratio de 3), avec un pic de fréquence entre 30 et 40 ans. Un terrain allergique est souvent retrouvé, dans de 42 à 92 % des cas chez l'enfant et dans de 28 à 86 % des cas chez l'adulte. Elle est associée à une rhinoconjonctivite allergique chez plus de la moitié des sujets, à un asthme dans 36 % des cas, une allergie alimentaire dans 46 % des cas et à un eczéma dans de 4 à 60 % des cas. Un antécédent familial d'œsophagite à éosinophiles est rapporté dans de 6 à 8 % des cas.
À côté d'un terrain génétique prédisposant (altération de la perméabilité de la muqueuse œsophagienne, réaction inflammatoire de type allergique inappropriée), sa physiopathogénie est expliquée par une réaction de type allergique Th2, avec recrutement anormal de cellules inflammatoires et d'éosinophiles, et production d'IL5 et 13, et par une stimulation de la synthèse de TGF-bêta-1. Cette dernière est à l'origine d'une altération des myofibroblastes, d'une contraction anormale des cellules musculaires lisses, et d'une perte de compliance de la paroi œsophagienne, aboutissant à la formation de sténoses avec dilatation proximale.
Des symptômes saisonniers
Sa présentation clinique est volontiers plus brutale chez l'adulte et l'adolescent que chez l'enfant, avec une dysphagie dans plus de 70 % des cas, une impaction alimentaire dans 50 à 60 % des cas et un pyrosis, réfractaire au traitement chez 4 patients sur 10. La survenue d'une impaction alimentaire est très évocatrice, une œsophagite à éosinophiles étant retrouvée dans ce contexte dans 54 % des cas.
Chez l'enfant, elle se manifeste par un pyrosis (85 % des cas), des nausées et vomissements (de 5 à 80 % des patients), des difficultés d'alimentation (70 % des cas), un retard de croissance dans un quart des cas, une dysphagie dans de 15 à 30 % des cas. L'impaction alimentaire est moins fréquente (10 à 15 % des enfants).
Caractéristique évocatrice : les symptômes fluctuent avec les saisons et les expositions aux allergènes.
Un aspect pseudo-trachéal
La gastroscopie est l'examen clé du diagnostic ; elle visualise, dans 70 % des cas, des anneaux, avec un aspect pseudo-trachéal ou des sillons linéaires, parfois d'autres lésions à type de décollement muqueux, et surtout elle permet de réaliser des biopsies œsophagiennes étagées, qui sont systématiques en cas de dysphagie. Une hyperéosinophilie est fréquente, tout comme l'élévation des IgE totales (mais pas des IgE spécifiques). Les prick-tests ont une bonne valeur prédictive négative mais ne permettent pas d'affirmer l'implication d'un allergène.
« Il s'agit d'une maladie chronique, dont la réversibilité dépend de l'âge et de la durée d'évolution au moment du diagnostic », a rapporté le Dr Gilles Macaigne (Grand hôpital de l'Est parisien, site de Marne-la-Vallée). Une modification anatomique de l'œsophage est retrouvée dans plus de 80 % des cas. Elle peut se compliquer de sténoses et de perforations spontanées ou perendoscopiques, mais n'est pas associée à un surrisque de néoplasie. Elle peut en revanche être associée à une connectivite, une maladie de Crohn ou une maladie cœliaque.
IPP, régime d'exclusion
Le traitement a pour objectif la rémission clinique et histologique, son maintien et la prévention des complications. Il fait appel à des médicaments, un régime d'éviction alimentaire et des dilatations endoscopiques en cas de sténoses.
Les inhibiteurs de la pompe à protons constituent le traitement médicamenteux de première intention. Leur efficacité est de 40 à 50 %, sans échappement avec le temps. Ils sont alors poursuivis à la dose minimale efficace. Les corticoïdes en topique sont d'utilisation plus complexe : en nébulisation, avec déglutition, suivie d'un bain de bouche à l'eau sans déglutir après chaque prise et aucune ingestion dans les 30 minutes suivant la prise, ou en gel visqueux (préparation magistrale). Ils exposent à un risque de candidose œsophagienne (5 à 30 % des cas). Dans les formes sévères ou réfractaires, les corticoïdes systémiques, les antagonistes des récepteurs de leucotriènes et les stabilisateurs de mastocytes sont discutés. Les anti-TNF alpha sont en cours d'évaluation.
En parallèle, le régime d'exclusion (6 aliments) s'accompagne d'une rémission clinique et histologique dans 75 % des cas. Le régime élémentaire (alimentation hypoallergénique à base d'acide aminé) suivi pendant 4 à 6 semaines est efficace chez 90 % des enfants et 70 % des adultes. « Il est en pratique plutôt réservé aux jeunes enfants ayant des allergies alimentaires multiples après échec des régimes d'exclusion », a précisé le Dr Macaigne.
Communication du Dr Gilles Macaigne, Grand hôpital de l’Est parisien, site de Marne-la-Vallée
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