C'est contre-intuitif, mais la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) pourrait avoir une origine anténatale. Alors qu'une femme sur 6 fume pendant la grossesse, « les enfants exposés au tabac pendant la vie fœtale peuvent présenter des voies aériennes altérées. Nous le constatons en effectuant des mesures des fonctions respiratoires dans les premières semaines de vie », affirme le Dr Antoine Deschildre, pneumopédiatre à l'hôpital Jeanne de Flandre, CHRU de Lille. L'arrêt du tabac pendant la grossesse – mais aussi après l'accouchement – est un message fort que nous devons délivrer, sans relâche, aux mères, futures mères et à leur entourage ».
« Outre le tabac, l'exposition in utero à la pollution atmosphérique et intérieure peut aussi avoir un impact négatif en termes de risque respiratoire (asthme, probablement BPCO) », note le Dr Deschildre.
Mais les facteurs génétiques jouent un rôle important dans la survenue de pathologies pulmonaires.
Des traces repérables à l'âge adulte
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU, lié à de multiples facteurs dont le tabac) comme le faible poids de naissance engendrent aussi un retard de croissance pulmonaire, chez l'enfant. Les anomalies fonctionnelles secondaires peuvent favoriser la survenue d'une BPCO à l'âge adulte. La prématurité, quant à elle, peut se compliquer de maladies (telles que la dysplasie bronchopulmonaire) qui ont aussi un effet néfaste sur le développement de la fonction respiratoire.
« Enfin, les études de cohortes ont permis de démontrer que les infections virales (VRS, rhinovirus notamment) survenant dans les premières années de vie – période où les poumons sont très fragiles car en pleine croissance – peuvent avoir un impact négatif sur le développement pulmonaire de l'enfant. Ces infections peuvent laisser une trace fonctionnelle identifiée à plus long terme », note le Dr Deschildre.
Des liens de causalité asthme – BPCO
L'étude de la cohorte de Melbourne (1) montre qu'un asthme sévère durant l'enfance affecte la fonction respiratoire dans les premières années de vie, ce qui se confirme à l'âge adulte. « Cette étude a suivi une cohorte d'enfants asthmatiques, de 7 ans jusqu'à l'âge adulte. Les enfants ayant un asthme sévère et des anomalies fonctionnelles observées multipliaient par 32 le risque de BPCO à l’âge de 50 ans, en dehors de toute exposition au tabac ! À partir de l'étude CAMP (2), les auteurs ont montré que les 680 enfants ayant un asthme léger à modéré à l’inclusion et revus entre 23 et 30 ans (26 ans en moyenne) avaient des trajectoires d'évolution de la fonction respiratoire diverses. Et, notamment, que la moitié d’entre eux n'atteignaient pas leur pic de croissance pulmonaire, et pouvaient donc répondre très jeunes, à la définition fonctionnelle de la BPCO », détaille le Dr Deschildre. L’ensemble de ces travaux illustre les racines pédiatriques, parfois silencieuses, des maladies bronchiques de l’adulte telles que la BPCO.
D'après un entretien avec le Dr Antoine Deschildre, pneumopédiatre, hôpital Jeanne de Flandre (CHRU Lille)
(1) Tai A et al. Outcomes of childhood asthma to the age of 50 years. J Allergy Clin Immunol. 2014 Jun;133(6):1572-8.e3
(2) Weiss ST, McGeachie MJ. Patterns of Growth and Decline in Lung Function in Persistent Childhood Asthma. N Engl J Med. 2016 May 12;374(19):1842-52
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