De nombreux antipsychotiques sont aujourd’hui disponibles et tout l’enjeu est de choisir celui qui convient le mieux au patient, en sachant que la réponse au traitement est très variable d’un sujet à l’autre, tant sur l’efficacité que des effets indésirables.
Ainsi le « switch » est une réalité : sur une période d’un an, environ 30 % des patients schizophrènes changent d’antipsychotique (1). L’attention portée au syndrome métabolique ces dernières années a encore accentué le phénomène.
« Si les antipsychotiques atypiques font partie d’une même classe, les molécules sont très différentes sur le plan pharmacodynamique ; passer d’une molécule à une autre aura des conséquences sur le plan clinique, a prévenu le Pr Éric Constant (Liège, Belgique). En principe, le traitement de maintenance est le même que celui de la phase aiguë, car une tentative de changement présente toujours un risque. Toutefois, si le switch doit être pratiqué pour cause d’inefficacité ou d’effets secondaires (prise de poids, augmentation de prolactine, dysfonction sexuelle, sédation importante…), choisir un antipsychotique ayant un profil pharmacodynamique différent a du sens. »
Des affinités différentes pour les récepteurs
Les principaux effets des antipsychotiques atypiques font intervenir les voies dopaminergiques, sérotoninergiques, cholinergiques, histaminergiques et adrénergiques. Le but du traitement des psychoses ou de la manie est de diminuer l’hyperactivité dopaminergique au niveau mésolimbique. Ce blocage sera atteint à des doses très différentes d’un médicament à l’autre et, surtout, il sera atteint, selon les molécules, avant, en même temps ou seulement après avoir bloqué d’autres récepteurs.
Ainsi, certains antipsychotiques atypiques (les « pines » : olanzapine, quétiapine, clozapine) ont une affinité relative plus importante pour les récepteurs muscariniques et histaminergiques, alors que d’autres antipsychotiques (les « ones » : rispéridone, palipéridone, mais aussi aripiprazole, amisulpride, haldol) ont une affinité relative bien plus faible pour ces mêmes récepteurs. Par conséquent, les « pines » seront responsables d’effets secondaires muscariniques et histaminergiques avant d’atteindre un blocage D2 suffisant pour une action antipsychotique.
L’autre facteur très important à prendre en compte, lors du passage d’un antipsychotique à un autre, est sa demi-vie. En général, il faut considérer que cela prend environ 4 à 5 fois cette durée d’élimination pour qu’une molécule atteigne l’état d’équilibre, et le même laps de temps pour que la molécule soit éliminée du compartiment plasmatique, une fois arrêtée. Par exemple, il faudra compter environ 24 heures pour la clozapine, l’halopéridol, la rispéridone… de 30 à 36 heures pour l’olanzapine et 72 heures pour l’aripiprazole.
La stratégie en plateau est à privilégier
Des phénomènes de rebond peuvent survenir lorsque l’on passe d’un antipsychotique avec un blocage histaminergique ou muscarinique relativement important (chlorpromazine, clozapine, olanzapine, quiétiapine) vers un autre avec un blocage plus faible pour ces récepteurs (arpiprazole, halopéridol, rispéridone, palipéridone). Le rebond histaminergique se manifeste par de l’anxiété, agitation, insomnie, symptômes extrapyramidaux (2).
« Ces symptômes sont parfois interprétés comme résultant du nouveau traitement antipsychotique prescrit alors qu’ils sont, en fait, dus au retrait du traitement antérieur ! Et cela peut conduire à l’arrêt du nouveau traitement », a souligné le Pr Constant.
Ainsi, il est important de connaître les différentes stratégies de passage d’un antipsychotique vers un autre, qui s’adressent chacune à des cas bien particuliers. Le passage en plateau, souvent privilégié, consiste à introduire progressivement le nouvel antipsychotique à dose croissante jusqu’à la dose thérapeutique et ensuite diminuer doucement les doses du premier antipsychotique (le risque de rebond est ainsi plus faible mais celui d’interactions plus élevé). En cas d’urgence (intolérance) et pour un patient hospitalisé, un changement abrupt peut se faire directement sans titration, avec un risque élevé de rebond.
Session « Switch ! » (1) Nyhuis AW et al. BMC Psychiatry 2010 :10-75 (2) Constant E et al. Encéphale 2013;3 (6)430-44
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