Les grèves et mouvements sociaux ont repris ces dernières semaines, et la santé arrive en tête des revendications. Le Brésil est pourtant l’un des seuls pays au monde à reconnaître la santé comme un droit constitutionnel. En 1988, il a fondé le SUS, le « Sistema unico de saude » (système unique de santé), qui prévoit un accès gratuit et universel aux services publics de santé.
Ce plan ambitieux imbrique le médical et le social, et vise à prendre en charge un pays continent vaste comme 16 fois la France. Le programme de santé des familles, clé de voûte du système, offre des soins primaires dans des dispensaires, à domicile, et jusque dans les favélas, où l’on vit mieux qu’hier (lire page 3).
Les progrès sont indéniables, mais une médecine à deux vitesses se développe inexorablement.
75 % des Brésiliens dépendent totalement du SUS et n’ont accès qu’au système public, d’une qualité moindre. Les 25 % restant ont des « plans de santé », qui coûtent très cher. Libres à eux de fréquenter les structures privées, où les délais sont plus courts (lire ci-contre). Les moins fortunés n’ont qu’à patienter : rien qu’à São Paulo, récemment, 661 000 demandes de consultations médicales étaient en attente dans le réseau public.
Rustines
Conscient de ces difficultés, le gouvernement a lancé une vaste réforme hospitalière l’an dernier. Les effets se font attendre, comme en témoigne cette généraliste française basée à Rio depuis de longues années : « Le jour où est arrivé un tuberculeux qui saignait et vomissait, et qu’on n’avait ni médicament ni gant ni rien, ça a été la goutte d’eau. J’ai quitté l’hôpital public et je consulte depuis en privé. Ceux qui ont un plan de santé sont bien soignés. Les autres, je les adresse dans le public et c’est aléatoire. Il n’y a jamais de place en soins intensifs. Les médicaments manquent parfois sans qu’on sache pourquoi ».
Persiste aussi l’épineuse question de la démographie médicale, que le gouvernement a cru résoudre en ouvrant les frontières. Le programme « Mais Medicos » (« plus de médecins ») a attiré dans les campagnes reculées des milliers de médecins cubains, moins payés que leurs confrères brésiliens. La levée de boucliers des syndicats médicaux et de l’Ordre des médecins a été immédiate. Ils dénoncent un palliatif, une rustine qui ne solutionne rien et ne s’attaque pas aux problèmes de fond. Le Brésil a suffisamment de médecins, mais comme la France, il n’a pas trouvé la clé pour les répartir équitablement sur son territoire.
Le bilan de la présidence Lula (de 2003 à 2011) reste contesté au sein des hôpitaux. Son successeur, Dilma Rousseff, impliquée dans des affaires de corruption, n’est guère populaire auprès des médecins. Les Brésiliens éliront un nouveau président le 5 octobre. Dilma Roussef, favorite, baisse dans les sondages. Que le Brésil décroche une 6e étoile mondiale ne nuirait pas à sa réélection.
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