Après le rapport de la Haute autorité de santé

Des pistes pour mieux repérer la maltraitance chez le tout-petit

Publié le 02/04/2015
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Un enfant maltraité est un enfant victime de violences physiques, psychologiques, d’abus sexuels, et/ou de négligences lourdes ayant des conséquences graves sur son développement. C’est aussi un enfant qui ne peut – ou n’ose pas – exprimer sa souffrance. Par ailleurs, très souvent, le tout-petit n’a pas conscience du caractère anormal des agissements du (des) maltraitant(s). Tout l’art du médecin – pédiatre, généraliste, spécialiste – est alors de déceler la maltraitance pour le protéger au mieux.

Toute fracture est suspecte

Car la maltraitance avance masquée. Ses retentissements sont souvent invisibles. Les médecins doivent, toutefois, en connaître les signes évocateurs devant entraîner un signalement immédiat. « Chez le tout-petit qui ne marche pas encore, des bleus sur le corps doivent, par exemple, interpeller le praticien », souligne Cédric Grouchka, membre du Collège de la Haute Autorité de Santé (HAS) ayant adopté le rapport* sur le repérage de la maltraitance chez l’enfant. En matière de brûlure, une localisation inhabituelle (sur le derrière…) ou en forme de gants ou de chaussette doit également attirer l’attention.

Par ailleurs, chez les nourrissons toute fracture est suspecte. « La chute d’une table à langer n’engendre qu’exceptionnellement une fracture, elle n’est jamais grave. En revanche, les traumatismes caractéristiques d’un bébé secoué (fractures, hématomes…) sont aussi graves que ceux apparaissant chez un enfant qui serait tombé du deuxième étage d’un immeuble », précise Cédric Grouchka.

Des symptômes non spécifiques

La majorité des signes de maltraitance sont, toutefois, complexes, non spécifiques. Pour ne pas passer à côté de ces signes, le médecin doit y avoir été formé ou, du moins, sensibilisé. « En dehors d’une véritable pathologie, un enfant qui se plaint depuis plusieurs mois de douleurs abdominales vagues et diffuses doit faire penser à la maltraitance, notamment, lorsque ses douleurs s’accompagnent de troubles du sommeil ou d’anxiété. Des brûlures localisées dans les plis (aine, coudes…) ou touchant l’ensemble de la main ou du pied de façon homogène sont aussi très évocatrices. De même, des fractures récurrentes ou occultes (identifiées sur les radiographies mais qui ne sont pas apparentes cliniquement) appellent une suspicion de maltraitance », note Cédric Grouchka. En outre, les sévices sexuels engendrent souvent peu de signes somatiques mais d’autres signes peuvent en découler (troubles scolaires, alimentaires, digestifs…). « En France, on estime qu’il y a 300 nouveaux cas d’inceste par jour. Compte tenu de la fréquence de ce fléau, les médecins doivent y penser souvent », indique Cédric Grouchka.

Le signalement, un acte médical

Face au problème de la maltraitance infantile, les médecins se retrouvent seuls et démunis du fait d’un manque de connaissances, du système juridique qu’ils jugent complexe, de la difficulté à joindre le bon correspondant rapidement. « Inexistante il y a encore quelques années, la formation à la maltraitance commence à faire son entrée dans les facultés de médecine. Pour sa part, le récent rapport de la HAS* sur la maltraitance sensibilise les médecins (en exercice ou étudiants) au fait que la maltraitance est un problème fréquent dont il faut connaître les signes. La crainte ou le poids émotionnel (face à une famille que le praticien connaît bien, par exemple) ne doivent pas constituer un frein au signalement de la maltraitance », note Cédric Grouchka.

Les médecins ont, en effet, le droit de se tromper. En signalant un cas de maltraitance, ils n’ont pas à en apporter la preuve mais, uniquement, à transmettre leurs observations quant à l’état de santé de l’enfant. Signaler un cas de maltraitance est un acte médical légal de protection. Il ne relève pas de la délation et n’entraîne pas de condamnation pénale ou civile (sauf si le médecin est malhonnête). Face à la maltraitance, le médecin ne doit donc pas rester seul : le Conseil national de l’Ordre des Médecins, le procureur de la République, les associations et les Cellules de recueil de l’information préoccupante (CRIP) peuvent l’aider dans sa démarche.

* « Maltraitance chez l’enfant : repérage et conduite à tenir, rapport d’élaboration », octobre 2014, HAS. Un questionnaire recueillant l’avis des professionnels de santé sur ce rapport ainsi que leur niveau de sensibilisation sur la maltraitance est disponible sur le site : https://consultation.has-sante.fr/questmaltrait/QuestMaltrait.html
H. H.-P.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9400