La polémique sur les régimes

Le Dr Pierre Dukan s’explique sur sa méthode

Publié le 04/07/2011
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Crédit photo : AFP

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Vous contestez les résultats de l’étude d’Hansen et col. parue dans la revue « Obésité ».

Dr PIERRE DUKAN - Ce n’est pas une étude, c’est un sondage en forme de quiz mené sur des sites Internet et laissé ouvert à qui veut. Les participants ne sont ni identifiés ni vérifiés. Quiconque a pu y répondre autant de fois qu’il le désirait. Certains, que la popularité de mes livres dérange, ont pu avoir le clic facile. La méthode est contestable et cela enlève à ce sondage toute son efficacité.

Les auteurs posent eux-mêmes les limites de leur enquête, liées principalement au recrutement mais leurs résultats semblent concordants avec d’autres études. Que répondez-vous ?

Je peux citer d’autres études, dont l’étude Diogenes, du Pr Anne Astrup, financée par la Commission européenne, qui montre clairement que le régime riche en protéines est celui qui obtient là encore les meilleurs résultats et facilite le mieux la stabilisation du poids perdu à long terme. Je peux aussi mentionner l’enquête que j’ai fait réaliser par l’IFOP en 2010 auprès de 1 550 personnes, toutes identifiées, et qui montre que, à 8 mois, 78 % des personnes ont perdu du poids et se sont stabilisées. Parmi celles-ci, la moitié a eu des analyses biologiques qui, dans 98 % des cas, se sont améliorées ou sont restées inchangées.

L’étude montre que 75 % de ceux qui ont suivi votre régime depuis au moins deux ans reprennent le poids perdu, 80 % au-delà de quatre ans. Ce résultat vous surprend-il ?

Dans mes statistiques, à cinq ans, 43 % ont réussi à stabiliser leur poids. Mais j’admets les 20 % malgré les possibilités de biais et « de bourrage des urnes ». C’est déjà énorme, toutes les statistiques internationales et même le dernier rapport de l’ANSES de novembre 2010, soulignent que 80 % des sujets reprennent du poids un an après la fin de leur régime. Mon régime, qui est le seul à proposer 2 phases sur 4 consacrées à la consolidation et à la stabilisation, permet d’obtenir ce résultat à cinq ans.

Le rapport de l’ANSES que vous mentionnez est tout de même très critique sur les régimes amaigrissants. Vous le contestez lui aussi ?

J’ai été entendu par l’ANSES et ils ont été plutôt charmants. Je me suis étonné qu’ils ne s’intéressent pas à mes résultats et ils m’ont répondu qu’ils n’avaient été mandatés que pour évaluer les risques liés aux régimes. La méthode scientifique habituelle repose pourtant sur l’évaluation du risque au regard d’un bénéfice. Par ailleurs, parmi les 15 régimes évalués, on retrouve des remèdes de grand-mère comme le régime « citron » ou le « régime de la soupe au chou ». Ce ne sont pas des régimes. Comment peut-on mettre en balance de telles pratiques avec des régimes comme ceux du Dr Fricker, du Dr Cohen, du Dr Atkins ou le mien ?

Concernant l’évaluation elle-même, je partage l’avis du Pr Guy-Grand paru dans les « Cahiers de nutrition et de diététique » en février 2011. Il affirme que « les résultats sont décevants, fondés sur une littérature plus que partielle ». Concernant les effets à long terme, il écrit ; « Pour l’instant aucune donnée sur d’éventuels effets collatéraux négatifs n’est à notre connaissance disponible. »

Vous dites qu’il n’y a pas d’effets délétères de votre régime. Pouvez-vous préciser ?

Cela fait 41 ans que j’utilise cette méthode et je n’ai jamais rencontré le moindre problème médical. Avec toutes les « bienveillances » dont je suis entouré, cela se serait su. Je n’ai jamais constaté de modifications de la créatinine ou de l’urée.

Un des reproches qui vous est fait est de pousser les gens à suivre un régime sur la foi d’un ouvrage ou d’un site Internet de coaching. En tant que médecin, n’êtes-vous pas inquiet que des gens utilisent votre méthode alors qu’ils n’en ont pas besoin ?

En matière de suivi par coaching, nous refusons les gens qui ont un indice de masse corporelle inférieur à 22-23. Que des femmes se maintiennent en position de minceur, cela ne me dérange pas. Je trouve plus risqué que ceux qui ont besoin de maigrir ne le fassent pas. Ce qui m’inquiète, ce sont les 22 millions de personnes en surpoids – ils n’étaient que 500 000 dans les années 1955 et chaque année de nouveaux seuils sont franchis – et les 40 000 morts par an, directement liées au surpoids. Un obèse vit 8 ans de moins que les autres. Mais je suis d’accord avec l’une des conclusions de l’ANSES : maigrir est un acte qui n’est pas anodin et qui nécessite la présence d’un spécialiste associé à celles d’un psychothérapeute et d’un coach sportif. C’est pourquoi j’aimerais lancer un appel aux généralistes.

UN APPEL AUX GÉNÉRALISTES ET POUR UNE ÉTUDE CLINIQUE

Quel genre d’appel ?

À la suite du rapport de l’ANSES, je demande expressément dans mes livres à ceux qui veulent suivre le régime de ne pas le commencer sans en avoir parlé à leur médecin traitant. Je voudrais dire aux médecins que, s’ils ont dans leur clientèle des patients qui veulent suivre le régime et s’ils n’ont de pas compétences particulières en nutrition, de les recevoir une fois avant le début du régime afin de réaliser un premier bilan clinique et biologique afin de détecter une insuffisance thyroïdienne et une insuffisance rénale, éventuellement un bilan lipidique et un bilan glycémique. Un deuxième bilan doit être réalisé lors de la consultation finale à 2-3 mois. Le rôle des médecins est important, ils bénéficient de la confiance de leurs patients et ils sont les mieux placés pour leur dire s’ils ont besoin ou non de maigrir en fonction de leur IMC. Aujourd’hui, nous ne sommes que 330 nutritionnistes en France pour 22 millions de personnes en surpoids. Nous ne pouvons pas voir tous les patients. Il faut passer à une démarche personnalisée à grande échelle.

Refusez-vous toute évaluation de votre méthode ?

Pas du tout. J’ai conscience d’avoir créé et suscité en France une impulsion et une espérance. J’aimerais la chiffrer. J’ai 69 ans. Je n’ai plus qu’une seule ambition, consacrer les dix prochaines années et toutes mes ressources énergétiques à essayer de faire la preuve que la méthode marche et qu’elle apporte quelque chose de plus. Je vais lancer dès le mois de septembre 3 études cliniques dans des centres hospitaliers en Espagne, en Russie et en Israël avec une centaine de personnes recrutées dans chaque pays. J’aimerais le faire aussi en France mais je n’ai pas encore trouvé de service de nutrition qui accepte. J’aimerais aussi regrouper des généralistes répartis dans toute la France pour qu’ils évaluent la méthode sur 3 patients de leur clientèle.

Si des évaluations font la preuve que votre méthode n’apporte pas les bénéfices escomptés et qu’elle est dangereuse. Accepterez-vous les résultats ?

Si je suis contredit par les faits, je les accepterai. Je suis quand même un scientifique. Je ne suis pas un gourou.

* « Le Quotidien » du 23 juin.

 PROPOS RECUEILLIS PAR LE Dr LYDIA ARCHIMÈDE
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Source : Le Quotidien du Médecin: 8993