« LES CONDITIONS d’examen de ce texte ont été quelque peu folkloriques », résume Jacky Le Menn (groupe socialiste), membre de la commission des Affaires sociales du Sénat. Après la démission le 5 mai de Muguette Dini de sa fonction de rapporteure du projet de loi réformant l’hospitalisation sous contrainte, ce n’est que mardi dernier, peu avant le début de l’examen du texte dans l’Hémicycle qu’un nouveau rapporteur a été désigné en la personne de Jean-Louis Lorrain. Suite au rejet des modifications du texte par la commission des Affaires sociales du Sénat, les parlementaires ont débattu à partir du projet de loi adopté fin mars par les députés. Initialement programmé les 10 et 11 mai, l’examen du texte aura joué les prolongations jusqu’au 13. Pas moins de 480 amendements ont été déposés, dont 180 pour le seul article premier qui crée les soins psychiatriques sans consentements au sein et en dehors de l’hôpital. Mardi 10 mai, une manifestation regroupant une centaine de psychiatres, patients et associations de défense des droits de l’homme s’est tenue face au Sénat pour réclamer le retrait du projet de loi réformant l’hospitalisation sous contrainte au profit d’une réforme de la psychiatrie dans son ensemble. Mardi, en début de séance, des sénateurs de gauche ont tenté sans succès de faire passer une motion d’irrecevabilité du projet de loi. Adopté vendredi au Sénat à 172 voix contre 151, ce texte instaure les soins psychiatriques sans consentement à l’hôpital ou en ambulatoire pour les personnes « qui ne sont pas à même de consentir à ces soins du fait de leurs troubles mentaux ». Sur les 480 amendements déposés, les quelques-uns adoptés permettent tout au plus de clarifier certains points du texte validé à l’Assemblée. Ainsi, le droit à l’oubli pour les personnes inscrites dans un fichier de malades dangereux est fixé à 10 ans. S’agissant des modalités d’audience du malade par le juge des libertés, les sénateurs ont par ailleurs entériné des dérogations à la pratique de la visioconférence selon l’état de santé mentale de la personne. Le projet va maintenant retourner à l’Assemblée pour un examen en seconde lecture.
Difficile à mettre en œuvre.
Censée entrer en vigueur dès le 1er août, cette législation sera « assez difficile à mettre en œuvre », considère le Dr Alain Vaissermann, président du Comité d’action syndicale de la psychiatrie (CASP). Par exemple, « l’intervention du juge dans la procédure de soins sans consentement est une bonne chose. Seulement, on peine un peu à voir comment cette disposition pourra être mise en œuvre en pratique ». Lors de l’examen du texte au Sénat, le ministre de la Justice Michel Mercier a une nouvelle fois rappelé que cette mesure exigerait des juridictions « un effort considérable », avec 80 000 décisions supplémentaires par an. Le ministre a toutefois annoncé « la création de 80 emplois de magistrats, 70 emplois de greffiers et une enveloppe de 5 millions d’euros pour l’aide juridictionnelle ». L’accroissement du nombre d’avis médicaux durant les procédures de soins sans consentement laisse perplexes certains parlementaires. « En dehors des deux certificats nécessaires à l’admission, j’ai compté pas moins de six avis de psychiatres dans la semaine qui suit celle-ci », fait remarquer Jacques Mézard, sénateur (RDSE) « Et ce n’est pas tout. Pour les malades déclarés irresponsables pénalement ou soignés dans une unité pour malades difficiles, il faudra l’avis d’un collège de soignants plus deux expertises de médecins étrangers à l’établissement. Tout cela n’est pas raisonnable au regard des difficultés que connaissent la médecine et les hôpitaux psychiatriques », poursuit le sénateur du Cantal. Estimant avoir entendu les inquiétudes des professionnels, la secrétaire d’État à la Santé, Nora Berra a rappelé que le « grand soir » de la psychiatrie réclamé depuis longtemps par la profession sera concrétisé dès l’automne dans un « futur plan de santé publique ». Au préalable, un comité de pilotage se réunira « bientôt » pour faire le point sur l’état de la psychiatrie en France et dresser le bilan de la législation existante.
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