INITIALEMENT déposé le 5 mai 2010, le projet de loi relatif « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge » sera discuté à partir du 15 mars à l’Assemblée nationale. Ce texte, constitué de 14 articles, réforme principalement le cadre de l’hospitalisation d’office.
Le projet de loi substitue d’abord à la notion d’hospitalisation sans consentement, celle plus large de soin sans consentement qui ouvre la possibilité d’une prise en charge en hospitalisation ou en soins ambulatoires selon l’avis médical. Le texte instaure une possibilité d’admission en soins sans consentement « lorsque la personne, sans constituer un trouble grave à l’ordre public, nécessite des soins immédiats en raison d’un péril imminent, et qu’aucun tiers n’est présent pour formuler la demande ». L’entrée dans le dispositif de soins sans consentement à la demande d’un tiers ou de l’autorité publique sera simplifiée. Lors du déclenchement d’une procédure de soins sans consentement, une période d’observation de « 72 heures maximum » en hospitalisation sera réalisée en hospitalisation complète après le prononcé de la mesure afin de choisir la modalité de prise en charge la plus adaptée. Le projet de loi prévoit également l’intervention du juge des libertés et de la détention pour prolonger une hospitalisation sans consentement au-delà de 15 jours, comme l’avait imposé le Conseil constitutionnel dans un avis rendu en novembre dernier.
Afin de vérifier la réalisation effective des soins hors hospitalisation, une procédure de « suivi attentif des patients pour leur sécurité et pour celle des tiers » sera aménagée. Un collège de soignants constitué de deux psychiatres et d’un cadre infirmier sera institué pour « fournir un avis aux préfets sur les sorties de l’hôpital pour les patients placés en hospitalisation d’office à la suite d’une décision d’irresponsabilité pénale et les patients ayant été Hospitalisés en unité de malades difficiles ». Les sorties d’essai sont supprimées. Seules perdureront les sorties courtes accompagnées d’une durée maximum de12 heures.
Enfin, parallèlement à l’assouplissement des procédures de soins sans consentement, le projet de loi entend renforcer les droits des personnes malades et garantir le respect de leurs libertés individuelles. Ces derniers devront entre autres bénéficier d’une meilleure information sur leurs droits et sur les raisons qui motivent ces soins et pourront en principe exprimer davantage leur avis sur les mesures les concernant.
Contestation syndicale.
Du côté des familles de patients, ce projet de loi semble favorablement accueilli à l’image de l’Union nationale des amis et familles de malades (UNAFAM), qui émet toutefois certaines réserves. « Il faudrait faire réellement exister les aidants et accompagnants dans le dispositif de soins sans consentement. Ces personnes sont les mieux placées pour tirer la sonnette d’alarme », indique Jean Canneva, président de l’UNAFAM. La réaction est tout autre à la Fédération française de psychiatrie (FFP), groupement d’associations œuvrant dans le champ de la santé mentale (professionnels, hôpitaux, secteur médico-social, patients…), qui pointe l’aspect sécuritaire d’un projet de loi « à visée électoraliste ». Pour son président, le Dr Bernard Durant, « limiter la psychiatrie à l’unique champ de la dangerosité est inconcevable. On ne peut pas ériger une loi et une véritable politique de santé à partir des seules situations extrêmes ».
Les syndicats de psychiatres sont quant à eux plus que jamais unis contre le texte. « Loin de moderniser le système psychiatrique français, ce projet de loi en aggrave les défauts en rigidifiant le cadre de la loi de 1990 déjà complètement obsolète. Cette démarche sécuritaire aboutit à une véritable usine à gaz qu’il sera impossible de mettre en place au quotidien », déclare le Dr Jean-Claude Penochet, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH). « Depuis 2004, les recommandations européennes stipulent qu’un malade en soins sans consentement peut sortir si son maintien en hospitalisation n’est plus médicalement fondé. La psychiatrie c’est de la médecine qui ne peut prendre en compte que des critères médicaux. On ne peut pas retenir quelqu’un dans un hôpital uniquement sur un risque de trouble à l’ordre public », poursuit le Dr Penochet.
Le Dr Pierre Paresys, vice-président de l’Union syndicale de la psychiatrie (USP), regrette pour sa part le manque de concertation de la profession autour de ce projet de loi. Selon lui, les députés ont avancé « à marche forcée » sur ce dossier. Décidés à faire entendre leur voix, l’ensemble des syndicats de psychiatres publics (IDEPP, SPH, SPEP, USP) appellent le 15 mars à la mobilisation contre ce projet de loi.
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