« IL VA FALLOIR faire évoluer une partie de l’hôpital psychiatrique pour tenir compte de cette trilogie : la prison, la rue, l’hôpital et trouver le bon équilibre et le bon compromis », déclarait fin 2008 Nicolas Sarkozy, à l’hôpital psychiatrique d’Antony, quelques jours après le meurtre d’un étudiant par un malade mental à Grenoble. De ce discours résolument sécuritaire a émergé le projet de loi reformant l’hospitalisation d’office, examiné depuis mardi soir par les députés. C’est finalement avec plus de quinze années de retard qu’arrive aujourd’hui ce projet de loi sur la psychiatrie.
« Les parlementaires devaient initialement procéder à l’évaluation en 1995 de la loi de 1990*, laquelle avait maintenu pratiquement inchangé le cadre obsolète de notre vieille législation de 1838 » sur les aliénés, rappelle le Dr Jean-Claude Penochet, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH). Or, « plutôt que d’organiser un régime protecteur pour les malades, ce projet de loi favorise une contagiosité délétère pour les soins de la présomption de dangerosité sociale du malade mental », résume le président du SPH. Parmi les principales de mesures du projet de loi relatif aux « droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge », figure l’intervention obligatoire du juge des libertés et de la détention afin de prolonger une hospitalisation sans consentement au-delà de 15 jours. Si cette disposition répond à une injonction du Conseil constitutionnel de novembre 2010, elle n’inclut toutefois pas les soins sans consentement en ambulatoire déplore Alain Vaissermann, président du comité d’action syndical de la psychiatrie, qui parle de « pseudo-judiciarisation du système avec intervention d’un juge alibi plutôt que véritable garant des droits du malade ».
Amendements nécessaires
Constat que soutient Valérie Valton, présidente de l’Union syndicale des magistrats : « Le juge n’aura pas la possibilité d’entendre véritablement les parties, de réaliser des investigations complémentaires et de se forger sa propre opinion avant de rendre sa décision. Il devra trancher dans des délais très courts entre l’avis des médecins, l’avis du préfet et prendre la responsabilité de cette décision sans possibilité autre que maintenir en hospitalisation ou remettre en liberté pure et simple puisque le projet de loi ne prévoit pas que des soins sans consentement soient ordonnés par le juge en remplacement d’une hospitalisation sans consentement », explique-t-elle. « Le juge ne rencontrera même pas le patient », poursuit la magistrate.Selon l’étude d’impact du projet de loi, l’essentiel des échanges entre juge et malade se fera par le biais d’une communication par visioconférence. En outre, le patient ne sera pas automatiquement assisté d’un avocat et des personnels hospitaliers rempliront le rôle de greffier. « On judiciarise sans respecter les principes de base », indique Valérie Valton qui pointe également l’insuffisance des moyens pour mettre en place ce dispositif.
Mardi, l’ensemble des organisations syndicales des psychiatres des hôpitaux a appelé la profession à une journée de mobilisation et de grève. Déplorant l’insuffisance des amendements votés en commission parlementaire, les syndicats exigent idéalement le retrait de ce projet de loi et la mise en place d’une véritable concertation avec l’ensemble des syndicats de soignants, associations de patients, familles et syndicats de magistrats. Faute de retrait du texte, les psychiatres réclament au moins plusieurs ajustements jugés essentiels, comme la suppression de la double autorité administrative et judiciaire encadrant les soins sans consentement au profit du seul juge, le retrait des fichiers psychiatriques pour certains types de patients et l’encadrement des soins consentement en ambulatoire par l’autorité judiciaire.
* Loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leur condition d’hospitalisation.
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