URGENCES

Un service qui a gagné ses lettres de noblesse

Publié le 16/03/2011
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Crédit photo : AFP

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Crédit photo : BSIP

QUI AURAIT IMAGINÉ en 1970 que les urgences seraient le cadre d’une série télévisée qui tiendrait en haleine des millions de téléspectateurs pendant près de 15 ans ? Une loi venait de rendre obligatoire l’accueil des urgences dans tous les hôpitaux. Un gigantesque pari. « Le problème des urgences a été de se faire reconnaître en tant que tel, explique le Dr Nicolas Simon, urgentiste à l’hôpital de Poissy-Saint-Germain. Notre problème était de nous démarquer et de nous faire entendre ». Diplômé de réanimation médicale en 1973, le Dr Simon décide de se reconvertir dans la médecine d’urgence. Nous sommes en 1980. « J’étais saturé à un moment de ma carrière et il se trouve que se posait dans mon hôpital le problème de la réorganisation du service d’urgence. C’était jusqu’alors un service qui manquait d’organisation dans lequel on mettait des internes… Je me suis lancé dans l’aventure. »

Les urgences, à l’époque ? « Chaque spécialité se considérait comme seule capable de gérer les urgences, les chirurgiens, les internistes, les cardiologues… Les jeunes se voyaient confier les urgences sans en avoir la reconnaissance », poursuit l’urgentiste. Le Dr Simon se souvient de sa réorientation. « J’ai découvert une façon particulière de travailler, la traumatologie, l’orthopédie… quand on ne savait pas, on se débrouillait pour aller voir les gens et se former. On a appris à gérer les flux, à fixer les examens et leurs délais. »

Le carrefour des années 1990.

Conscient des disparités de prise en charge des urgences sur le territoire, le ministère de la Santé charge le Pr Adolphe Steg, chirurgien urologue à l’hôpital Cochin, d’effectuer un premier état des lieux en 1989. En septembre 1993, il remet à Simone Veil, ministre de la Santé et à son secrétaire d’État Philippe Douste-Blazy, les conclusions d’une mission destinée à rénover les urgences. Pendant deux ans, le chirurgien a multiplié les visites d’hôpitaux, les auditions de médecins. Dans son rapport, il préconise la concentration des urgences pour en garantir la qualité. En 1990, 7,5 millions d’urgences sont prises en charge à l’hôpital quand seulement 30 % d’entre elles sont de vraies urgences. « Il est impossible que tous les hôpitaux aient un service d’urgences », confiait-il au « Quotidien » le 15 septembre 1993, jour de la remise de son travail. Pour garantir la permanence des soins et la compétence, le Pr Steg préconise la distinction des vrais services d’accueil des urgences (SAU) des services de proximité et les antennes d’accueil. Le praticien estime que la présence de 5 médecins au moins serait nécessaire pour assurer une prise en charge permanente des urgences. Il propose d’impliquer davantage les généralistes avec la création d’une lettre-clé spécifique mais aussi l’instauration d’un diplôme interuniversitaire d’urgence « afin de donner leur pleine dignité aux services d’urgences ». « Il faut que les urgences deviennent un service autonome à l’hôpital et ne soient plus considérées comme une annexe à laquelle on réserve un bout de couloir et où personne ne veut venir travailler », poursuit le Pr Steg. Afin de réussir la mue des urgences, le chirurgien appelait à un effort de pédagogie pour « convaincre la population que ce qui compte, ce n’est pas que l’établissement soit proche mais qu’il soit adapté au type d’urgence ». « Il faut créer un réflexe centre 15 qui doit se substituer au réflexe hôpital », ajoutait l’urologue. Le « succès » du 15 a dépassé ses espérances.

Une porte d’entrée à l’hôpital.

Le rapport Steg a constitué un tournant dans la structuration des urgences.

« Les urgences sont bien intégrées dans les hôpitaux, personne ne se pose plus la question sur la place des urgences, juge le Dr Simon. Rétrospectivement, tout est allé assez vite. » Les urgentistes ont très bonne presse même si ce n’est pas toujours le cas des urgences, souvent décriées par les patients pour la lenteur de la prise en charge. « Les urgences sont tout de même bien reconnues par la population car elle sait qu’il y a toujours quelqu’un pour eux. »

Chaque année, 15 millions d’urgences sont traitées par les hôpitaux français. « Il y a bien un problème de places, d’attentes car les moyens humains et financiers ne sont pas adaptés à ça », reconnaît le Dr Simon. Les urgences sont devenues une porte d’entrée à l’hospitalisation. « Entre 30 et 50 % des patients des hôpitaux sont passés par les urgences, précise le Dr Simon. Plus l’hôpital est petit et plus il dépend de ses urgences pour recruter ses malades. »

La situation de la médecine d’urgence a bien évolué, commente le Dr Simon, qui a assisté à l’essor de la spécialité et y a contribué en tant que président du Syndicat des urgentistes hospitaliers (SUH). Il manque toujours à la discipline une filière universitaire complète. Une évolution souhaitable serait également de ne plus exposer en première ligne les médecins les plus âgés 24 heures sur 24 selon le Dr Simon. Le temps de travail des urgentistes français est aujourd’hui trop élevé. « Aux États-Unis, ils travaillent 32 heures par semaine et en France, c’est entre 50 et 80 heures par semaine car on manque d’effectifs », conclut Nicolas Simon.

 CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 8924
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