PRÈS DE 20 millions de touristes médicaux pourraient franchir les frontières dès 2015, selon certaines projections. Ce type de touriste, dont on peut considérer que l’ancêtre est le curiste des villes thermales, recherche essentiellement des soins de confort, des soins esthétiques et dentaires. Les agences de tourisme médical, quant à elle, construisent leur offre sur le terreau de la pénurie de soins dans le pays d’origine, mais aussi grâce au développement de soins « low cost » en Europe de l’Est, en Asie et en Afrique, et du fait de la non-prise en charge de certaines interventions par la protection sociale, comme c’est le cas de la chirurgie esthétique en France.
Parallèlement, il existe une autre forme de tourisme médical, dissimulé, car cherchant à contourner les législations de chaque pays, par exemple en matière de délai maximum d’interruption volontaire de grossesses, de dons d’ovocytes, de gestation pour autrui ou de « mères porteuses », voire de délais pour dons d’organes tels qu’un rein ou une cornée. Le champion actuel du tourisme médical, c’est le ressortissant américain, susceptible d’économiser jusqu’à 85 % de ses frais médicaux en se faisant soigner à l’étranger. Selon le cabinet Deloitte Consulting (1), le tourisme médical en provenance des États-Unis pourrait être multiplié par un facteur dix d’ici à 2018 ! Comparativement, le sujet serait presque tabou en France où l’on compte peu d’adeptes de la formule. Le pays, contrairement à la Belgique ou l’Allemagne désormais dotés de véritables politiques commerciales pour attirer les patients étrangers, reste encore en marge de ce phénomène.
« Marché » porteur.
En 2008, le rapport de la Commission pour la libéralisation de la croissance, dit « rapport Attali », proposait de lever « quelques difficultés » liées à l’accueil de patients étrangers en France. Car, fait étrange, même en matière de « tourisme de bien-être et de beauté, marché porteur au niveau international, la France n’a pas encore su trouver sa place », déploraient également les auteurs d’une étude, publiée en 2010 (2). Quant aux Français qui succombent à l’une des destinations médicales phares, c’est-à-dire les pays de l’Est, et surtout la Hongrie pour les soins dentaires, le Maghreb et l’Afrique-du-Sud pour la chirurgie esthétique, ils sont encore peu nombreux, bien qu’en passe de « rattraper leurs voisins anglo-saxons et allemands sur le plan des soins dentaires », assure le directeur d’Esthetic-Planet, Pierre Hollenbeck. Son agence, créée en 2004, est bien située sur le marché français des formules « voyages et soins ». Pour 2 500 euros, elle offre une augmentation mammaire avec séjour en hôtel cinq étoiles en Tunisie. D’autres agences proposent de la chirurgie de la myopie, très compétitive en Pologne, puisque les tarifs en vigueur sont deux à trois fois inférieurs à ceux pratiqués en France : entre 390 euros et 700 euros pour un œil selon le type de laser et d’intervention (contre 3 000 euros en moyenne, pour les deux yeux, en France). Sur son site, Dental Travel fait aussi la promotion des couronnes hongroises en porcelaine à 260 euros contre environ 600 euros en France. Cette agence dit recevoir en moyenne « trois ou quatre Français » par semaine.
Service après-vente ?
En Asie, la Thaïlande et l’Inde se sont également forgées une réputation en matière d’offre de soins aux étrangers, notamment en cardiologie. Selon le cabinet de conseil Mc Kinnsey (3), près d’un million d’étrangers – dont 10 % de Français – viendraient chaque année se faire soigner dans ces deux pays. Sauf qu’en août 2010, lesdits touristes ont été quelque peu freinés dans leurs ardeurs : un article de la revue médicale « The Lancet » révélait que l’enzyme NDM-1, laquelle contribue à créer des bactéries résistantes aux antibiotiques, se diffusait à grande vitesse dans le sous-continent asiatique. Le ministère de la Santé britannique a aussitôt appelé ses concitoyens à annuler leurs voyages sanitaires. En France, ce fut l’occasion de réamorcer le débat médico-légal relatif à ces séjours et de pointer qu’en cas de complication, le patient traité à l’étranger pouvait se trouver fort dépourvu, personnellement, médicalement et légalement. En 2005, la Direction générale de la santé (DGS) et le ministère du Tourisme avaient mis en garde contre les agences qui proposent « des forfaits touristiques incluant des actes de chirurgie esthétique pratiqués à l’étranger ». Il y a cinq ans déjà, elle rappelait que « ces actes médicaux » ne relevaient pas du statut d’agence de voyage. Mais en vain.
› CAROLINE FAESCH
(1) http://www.deloitte.com/view/en_GX/global/index.htm
(2) Cahier Espaces n°106, 30 septembre 2010
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